Passion d’agrumes

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samedi 9 mars 2019

On comprend que, longtemps, l’orange ait été un cadeau de Noël. Pour peu qu’elle soit mûre et juteuse, c’est un fruit délicieux, un produit de choix. Au milieu de l’hiver, les agrumes offrent leur sucre et leurs saveurs, leurs couleurs aussi, à une saison froide et grise. Grâce au développement du train et maintenant de l’avion, ces fruits de la Méditerranée s’invitent sur les tables septentrionales. C’est parfois trop. Il y a tant d’oranges et de clémentines qui n’ont ni intérêt ni goût. Une peau dure, une chair sèche et vide, un trop-plein d’acidité ; si bien qu’il devient compliqué de trouver de vraies oranges, rondes, pleines et savoureuses. En posséder est un trésor qui commence par le fait de pouvoir la peler au couteau en ôtant sa calotte et son fond, puis en prélevant la peau, quartier par quartier.

Déjà les arômes d’amertume et de fleurs se répandent. Surtout ne pas jeter la peau d’orange, mais la conserver au frais pour en disposer d’un bon stock qui pourra être confit dans une bassine d’eau frémissante. Ces bâtonnets d’écorce, jaunes, orangés, rosés, font de délicieuses friandises, à manger avec ou sans chocolat. L’orange doit être sucrée, mais sans trop, à la recherche d’un équilibre entre l’amertume et l’onctuosité. Peler une orange transporte vers la grande bleue et la douce chaleur de la Méditerranée avant le feu de l’été. À Séville, au mois de mars, les rues sont ponctuées d’orangers emplis de fruits. De grosses boules orange, qui s’écrasent sur le sol et qui ne sont pas comestibles. À Menton, c’est la fête des citrons, avec son corso fleuri et ses décors d’agrumes, tandis que les mimosas commencent à pointer leurs fleurs jaunes. Ce n’est pas encore l’été, mais c’est déjà la renaissance de la nature. De l’autre côté de la rive, en Algérie, c’est un père spiritain, le frère Clément (1839-1904) qui a quitté son Puy-de-Dôme natal pour s’installer à Misserghin, près d’Oran. Passionné de botanique, il a croisé le mandarinier et l’oranger pour créer le clémentinier, ainsi nommé en son honneur. La clémentine voyage pour s’arrêter en Corse, où elle devient une espèce propre, reconnue par une IGP (Indication géographique protégée) en 2007. La clémentine de Corse est cultivée dans la plaine orientale, entre Bastia et Porto Vecchio.

L’orange se boit aussi. Toujours en Algérie, le pharmacien Gaëtan Picon (1809-1882) inventa une boisson pour se protéger de la malaria et des fièvres malignes. Si on trouve de la quinine et de la gentiane, le Picon est fabriqué à base d’oranges macérées. La Mandarine Napoléon est quant à elle un mélange d’eau-de-vie et de mandarine d’Andalousie. À Angers, les frères Cointreau mettent au point en 1875 le premier triple sec, liqueur qu’ils agrémentent d’écorces d’oranges confites. De quoi arroser crêpes et gâteaux et de servir de base à de nombreux cocktails. La mode des smoothies et des jus de fruits frais a permis de remettre en jeu le goût naturel des fruits, sans adjonction de lait, de crème ou de sucre. Aussi subtile qu’un arôme d’eau de fleur d’oranger qui parfume l’enfance.

A retrouver dans L’Incorrect

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