Louvain et Tintin

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samedi 17 août 2013

Une carte postale, sans photo, d’une ville de Belgique où je me suis rendu pour une conférence. Louvain-la-Neuve est une ville universitaire de 20 000 habitants environ, édifiée dans les années 1970 par la communauté étudiante francophone de Belgique chassée de l’antique université de Louvain par les Flamands. Du milieu des champs sont sortis un campus, des maisons, des centres commerciaux, et récemment un musée Hergé.
Ici les maisons sont en briques rouges, les immeubles n’ont pas plus de cinq à six étages, et comme le plafond du ciel est très bas cela donne l’impression d’être dans un bocal permanent. C’est une ville piétonne, bâtie selon les sains principes architecturaux des années 1970, avec dissociation des espaces. Des nationales qui passent à l’extérieur de la ville, ou bien en sous-terrain, et en surface des voies piétonnes ou des rues à circulation réduite. Cela a l’avantage de permettre aux piétons de marcher tranquillement, et aux automobilistes de rouler sans trop de souci. La ville est ainsi essentiellement piétonne et de nombreux parcs sont immergés parmi ses bâtiments.
Le centre vivant de la ville semble s’être déplacé des bâtiments universitaires au centre commercial. Le voilà flambant neuf, avec ses galeries couvertes, ses magasins de marques internationales, sa musique choisie et ses pancartes colorées qui incitent aux achats. Certains pourront gloser sur ces magasins et sur la société de consommation qu’il traduit, pourtant cela n’est guère différent du mode de vie des Grecs et des Romains. Le forum a toujours été une réalité fréquentée par les hommes et les magasins ont toujours attiré. Ne nous faisons pas plus matérialistes que nous ne sommes.
En parcourant la ville, et surtout les magasins, on se rend compte à quel point les Belges ne sont pas Français. Parce qu’ils parlent français on croit généralement qu’ils le sont, mais c’est faux, ils sont beaucoup plus proches des Anglo-Saxons. Leurs fenêtres n’ont pas de volets, mais des rideaux. Leur nourriture n’a rien à voir avec la gastronomie française, elle est sucrée et colorée comme celle des Anglais. Les pâtes à tartiner en tout genre, le beurre de cacahuètes, autant de spécialités que l’on ne trouve que dans le monde anglo-saxon. Absence aussi de tradition de restaurant. Certes il y a les moules et les frites, mais cela ne suffit pas à faire une gastronomie.

Pour comprendre un pays, il faut visiter deux magasins : un supermarché et une librairie. Dans le supermarché on comprend ce que les gens mangent, dans la librairie ce qu’ils pensent. Munis de ces deux éclairages on est mieux à même de cerner la forma mentis du peuple où l’on réside.

Sur l’autoroute plus de frontière. Un panneau bleu, avec douze étoiles, pour annoncer que nous sommes en Belgique. Plus de frontières et une frontière omniprésente. Les panneaux n’ont pas la même couleur, ni la même forme. C’est toujours la même route, aucune rupture ne s’est faite, et pourtant nous comprenons que nous ne sommes plus en France. Quelques menus détails, imperceptibles, nous indiquent que nous avons franchi une frontière culturelle.

Le problème de Louvain c’est que cette ville est dédiée aux étudiants, avec les usages d’alcools et de drogues que cela suppose. Les étudiants se croient souvent au-dessus du monde, alors que leur état n’est que transitoire, intermédiaire, et qu’ils devraient avoir à l’esprit qu’ils se doivent d’entrer au plus tôt dans le monde adulte. Apprendre le maximum de choses pour ensuite le mettre en pratique dans son travail. Les universités donnent parfois l’impression que les savoirs les ont désertés, que l’intelligence ne les éclaire plus. Entre les briques et le ciel bas, entre les parcs et les voies piétonnes nous cherchons en vain les lanternes, et nous espérons que les livres qui se cachent derrière les couvertures sont des mots solides et non pas des chansonnettes pâles.

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