Le marché, à Carmaux 3/3

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dimanche 11 janvier 2015

Chronique gastronomique

Le marché signe la marque de la fidélité. Fidélité des clients pour leurs commerçants. On a connu le père, parfois même le grand-père, et c’est le fils qui poursuit. Fidélité des commerçants qui viennent depuis plusieurs années, toutes les semaines, au même lieu, à la même heure. Fidélité de pouvoir retrouver les goûts et les saveurs que l’on aime, les arômes et les odeurs qui nous ont formés.
Le marché signe la marque de la confluence. Confluence des produits qui viennent des régions environnantes : fruits, charcuteries, fromages, légumes, volailles, vêtements. Confluence de ceux qui produisent avec leurs mains, avec leur cœur, des produits réels en sachant qu’ils vendent des éléments de bonheur à leurs clients. Confluence de la simplicité et de la quotidienneté : on achète des produits pour tous les jours, pain, viande, légumes ; et cette simplicité conflue avec la sophistication et la rareté : on trouve des produits pour les jours de fête et les jours extraordinaires, foie gras, viandes rares, chapons et vins fins.

Dans un marché, la rue n’est plus seulement le lieu du transit rapide, elle devient le fait de la marche, panier en main. On s’arrête, on regarde, on jette un œil plus ou moins furtif sur tel et tel étal. Le regard soupèse la qualité, le prix, et le rapport entre les deux. En quelques secondes, le passant se fait une idée et décide s’il s’arrête et s’il achète. De temps en temps, il peut s’arrêter pour mieux voir, mieux soupeser, mieux juger, et passer à l’acte ou bien partir. Le marché est une mécanique du passage et de la translation ponctuée d’arrêts prémédités et imprévus pour remplir ses besoins et ses inattendus. Il est régulier et ponctuel, il offre ses services à heures fixes. Le marché est indispensable même s’il est délaissé. On y préfère les supermarchés, plus commodes et moins chers. À l’esthétique de la marche urbaine a succédé celle de la marche dans de grands hangars. Le parking de supermarché supplée au panier en osier. Mais le marché demeure un horizon et un rêve. Les hommes politiques s’y rendent régulièrement pour distribuer des tracts et serrer des mains.

On ne gagne pas une élection en allant sur le marché, mais ne pas y aller est l’assurance de la perdre. On défend le petit commerce, même si on fréquente les grandes surfaces, et on soutient le marché, même si on ne fait que le traverser sans s’y arrêter. La phraséologie politique et la symbolique onirique du Français actuel, tout tendu qu’il est vers le futur, sont ancrées largement encore dans un passé qui demeure et dont il n’arrive pas à se départir. Ce passé, il le reconstruit, il l’actualise, pour le faire vivre toujours au présent. C’est un passé actif et novateur qu’il nous offre et qu’il nous donne.

Le marché est le lieu où l’on trouve le terroir. Il y a pourtant à chaque fois une boutique exotique de plantes et d’épices d’ailleurs. On entre alors dans la magie des voyages et des horizons du prêtre Jean. Le contact des produits s’élève vers des cieux élargis. Le terroir lui aussi est construit, rêvé, aboli et vécu au plus près. Comme ces marchés de Provence qui en plus des figues et des abricots proposent de somptueux tissus colorés et cramoisis ; et des fleurs de lavandin qui nous exportent bien loin du Rouergue et des contreforts du Massif Central.

Je n’omets pas que Carmaux se situe près du Tarn.

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