Le Figaro : Loi sur les pronoms, faites confiance aux professeurs

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vendredi 25 janvier 2019

La proposition de loi du député LaREM Raphaël Gérard voulant encadrer l’usage des pronoms et des prénoms par les personnels éducatifs de l’Éducation nationale illustre par l’absurde le mal français : inflation législative et refus de la subsidiarité. Avec un cynisme certain, cette proposition de loi est inscrite dans le cadre plus large de la refondation « d’une école de la confiance ». Or c’est exactement de l’inverse qu’elle procède : une défiance à l’égard des professeurs et des personnels éducatifs, incapables aux yeux du législateur de traiter les problèmes humains qui peuvent se poser dans les classes et les établissements.

Refus de la subsidiarité

Cette proposition de loi cherche à satisfaire les personnes trans afin que les pronoms et prénoms féminins ou masculins puissent être apposés selon l’identité de genre à laquelle les élèves se rattachent. Ces cas-là peuvent effectivement se poser, mais ils sont extrêmement marginaux. Que faire alors avec ces personnes quant à l’usage des vestiaires et la répartition des équipes sportives ? C’est considérer surtout que la loi et le ministère doivent tout gérer, tout enrégimenter, sans laisser aucune liberté aux professeurs et aux chefs d’établissement.

La véritable école de la confiance repose sur la subsidiarité. Les personnels et les directions des établissements scolaires doivent avoir la liberté de régler leurs problèmes aux cas par cas, en fonction des personnes et des situations. On peut supposer que des professeurs, qui ont fait de nombreuses années d’études et qui ont une longue expérience des adolescents et des fragilités humaines peuvent gérer ces cas particuliers et rares en fonction des situations. Ils sauront le faire avec finesse et prudence afin de ne pas heurter des élèves parfois fragiles. Nulle loi n’est donc nécessaire, simplement la véritable confiance accordée aux personnels éducatifs.

Le refus de la confiance, origine des maux de l’école

L’Éducation nationale est en crise. Chaque année, il y a moins de candidats aux concours que de postes à pourvoir. Le nombre de démissions est en accroissement constant, même si le ministère refuse de communiquer les chiffres. De plus en plus nombreux sont les jeunes professeurs qui démissionnent au cours de leurs premières années d’enseignement. La question salariale n’est pas en cause. Le premier motif de désaffection des étudiants pour les métiers de l’enseignement est le manque de considération de la part de la hiérarchie, l’absence de liberté pédagogique, l’oppression des contrôles administratifs.

Cette proposition de loi renforce l’effacement des libertés scolaires et la coercition subie par les personnels par les normes juridiques émises par l’administration centrale. Dans dix ans, près de 17% des professeurs seront partis à la retraite. N’étant pas remplacés par manque de candidats, les déserts scolaires, aujourd’hui limités, ne vont cesser de croître, avec des classes sans professeurs et des écoles laissées à l’abandon.

Les professeurs n’ont nullement besoin de cette énième proposition de loi pour gérer des éventuels problèmes qui pourraient se poser dans leurs classes. Ils ont besoin d’une confiance réelle pour intervenir librement dans leurs établissements ; c’est-à-dire de subsidiarité. « Laissez-faire les hommes » disait le Malouin Vincent de Gournay au XVIIIe siècle.

C’est le même cri du cœur que l’on ne peut qu’adresse à ce député. Faites confiance à des personnels qui ont un vrai amour de leurs élèves et qui savent s’adapter à des situations humaines complexes. Laissez-les faire. Ou alors, n’ayez pas le cynisme de parler d’école de la confiance, mais plutôt d’école de la défiance vis-à-vis des professeurs. De là vient la crise profonde de l’école publique, qui ne pourra être résolue que par davantage de liberté.

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