« Islamo-gauchisme » : l’art de détourner des vrais problèmes de l’université

Vous êtes ici : Accueil > Articles > « Islamo-gauchisme » : l’art de détourner des vrais problèmes de (...)

jeudi 25 février 2021

Quand un gouvernement est englué dans ses couacs et ses échecs, il dispose toujours d’une carte maitresse pour s’en sortir : botter en touche. Ce qui en politique signifie attirer l’attention sur un faux problème et créer une commission pour l’étudier. Cela permet une brève polémique, de la polarisation politique, et oblige quelques adversaires à se rallier au gouvernement. C’est exactement ce qui se passe actuellement avec la question de « l’islamo-gauchisme ». Voilà donc le nouvel ennemi qui serait en train de ronger l’université et qu’il faudrait extirper via une enquête organisée par le CNRS. Que des groupes islamistes existent ici et là et que ces groupes aient des connivences avec des mouvements gauchistes est une réalité, mais ces mouvements ne sont que la conséquence d’un fait plus ancien et plus ancré dans la société française : la disparition de l’esprit d’université. À partir du moment où l’université est publique, c’est-à-dire soumise à l’argent de l’État et à son contrôle, elle est aussi le reflet des opinions de l’État et empêche tout pluralisme. C’était autrefois le marxisme, c’est aujourd’hui « l’islamo-gauchisme », qui est un mutant du virus précédent. Le problème véritable ne réside donc pas dans l’intrusion d’une idéologie au sein de l’université, mais dans le fait que l’université véritable n’existe pas puisque celle-ci est soumise à la tutelle de l’État.

L’université française a toujours été politisée

C’est Napoléon 1er qui a fait disparaitre l’université en nationalisant cette institution et en créant un monopole pour la délivrance de la collation des grades (c’est-à-dire le titre de bachelier, licencié et docteur). La mise en place de l’Université impériale par le décret du 10 mai 1806 crée la première administration nationale chargée de l’éducation en France, ce qui est à la fois une rupture par rapport à la liberté éducative en vigueur sous l’Ancien régime et une négation fondamentale de ce qu’est l’éducation. Nationalisation sur laquelle la Monarchie de Juillet est un peu revenue puis, de façon éphémère, le gouvernement des années 1871-1875. Avec l’instauration de la IIIe République « républicaine » dans son idéologie, le monopole de la collation des grades a été rétabli en 1880 par Jules Ferry et l’université est entrée dans le giron de l’État, c’est-à-dire qu’elle n’est plus une université. L’université ne peut exister que si elle est libre et indépendante du pouvoir politique. Ce qui suppose qu’elle puisse recruter librement ses professeurs, choisir ses programmes et ses études, et délivrer les titres universitaires.

Aujourd’hui, rien de tout cela n’est possible. Ce que l’on appelle, à tort, université est en réalité le rouage intellectuel du pouvoir politique. Ceux qui s’émeuvent aujourd’hui du manque de liberté intellectuelle et de conformisme idéologique à l’université oublient qu’il en a toujours été ainsi. Dans les années 1950-1980, l’université était infiltrée par la pensée communiste qui a chassé et pourchassé ceux qui ne l’étaient pas. Un homme comme Raymond Aron avait bien du mal à faire cours, étant régulièrement chahuté par les groupes communistes. Avant cela, dans les années 1880-1930, c’est la pensée rationaliste et républicaine qui était la seule acceptée. La liberté intellectuelle et le pluralisme sont incompatibles avec l’existence d’une « université » non libre et liée à l’administration. La question de « l’islamo-gauchisme » n’a donc rien de nouveau et n’est que la suite logique d’absence de libertés dans les universités françaises. La nouveauté c’est que l’idéologie officielle et reconnue a changé. Ce n’est donc pas d’un rapport, qui ne dira rien et qui n’aboutira à rien, dont l’université a besoin, mais d’une véritable liberté, qui passe, en premier, par la suppression du monopole de la collation des grades.

Lire la suite sur le site de l’Institut des Libertés

Thème(s) associés :

Par Thèmes