7 sophismes sur le terrorisme

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samedi 13 août 2016

Sur la vague terroriste qui touche actuellement la France, sept erreurs sont couramment faites qui empêchent de bien percevoir le type de terrorisme que nous affrontons.

1ère erreur : Ne pas voir que les terroristes actuels sont de cultures différentes des autres terroristes

Ce n’est pas la première fois que l’Europe est confrontée à une vague terroriste. La vague nihiliste à la fin du XIXe siècle, avec l’assassinat de nombreuses personnalités politiques (dont l’impératrice d’Autriche, le roi d’Italie et le Président de la République), les années de plomb en Italie, le terrorisme irlandais et basque. Ce qui change aujourd’hui, c’est que les terroristes actuels ne sont pas issus de la culture européenne, même si la plupart de leurs membres sont nés en Europe. De même, l’idéologie qui active le terrorisme, l’islamisme, est-elle née en dehors de l’Europe. En dehors aussi bien de ses frontières que de sa culture.

Or, nous avons trop souvent tendance à analyser ce terrorisme sous l’angle de notre critère culturel, alors même qu’il est par essence autre que nous. C’est ce que faisait remarquer récemment Rémi Brague : nous pensons l’islam avec les critères du christianisme. C’est d’autant plus une erreur que l’islam est né d’une hérésie chrétienne, en opposition à l’orthodoxie chrétienne.

Pour le combattre, il est donc d’abord essentiel de comprendre cette différence radicale. L’islamisme n’a rien en commun avec la culture européenne, et les islamistes ne sont pas le fruit véreux de notre culture, comme pouvaient l’être les gauchistes de la Fraction armée rouge. Les islamistes pensent et agissent différemment de nous.

2ème erreur : Croire que l’inculture est le moteur du terrorisme

Beaucoup disent que c’est l’inculture qui produit le terrorisme. Ce qui sous-entend que si les terroristes étaient cultivés, ils ne se livreraient pas aux massacres qu’ils commettent. Je crois que cela est une erreur d’analyse : l’inculture n’est pour rien dans ce phénomène. Ce qui signifie que le combat contre le terrorisme islamiste ne se gagnera pas par l’école, avec des cours de morale républicaine et des saluts au drapeau.

L’islamisme n’est pas né en France, mais dans la zone arabe, au tournant du XXe siècle. Ses penseurs sont issus de la classe bourgeoise civilisée et éduquée. Dans les pays musulmans, ce sont souvent les élites urbaines cultivées qui soutiennent les mouvements islamistes. C’est vrai en Iran comme en Turquie. Ben Laden était un homme éminemment cultivé, tout comme les mollahs iraniens.

Que les soldats de l’islamisme ne soient pas les personnes les plus intellectuelles qui soit, peut-être, mais cela n’enlève rien au fait que l’islamisme est un véritable mouvement de réflexion intellectuel, qui veut régénérer l’islam, le réformer et le purifier. Il possède tout un corpus intellectuel et de véritables références. Du reste, l’inculture est toujours relative : les terroristes de Nice et du Bataclan savaient lire et écrire, ce qui n’était probablement pas le cas de leurs grands-parents. Au regard des générations, c’est eux qui sont cultivés, par leurs aïeux, et c’est pourtant eux qui mènent ces actions terroristes. C’est grâce à leur culture qu’ils peuvent mener ces actions terroristes : comme ils savent lire, ils peuvent surfer sur les sites internet djihadistes et ils peuvent planifier leur voyage en Syrie.

Du temps du marxisme, on expliquait que c’était la pauvreté qui causait les révolutions, alors que celles-ci étaient toujours menées par les classes bourgeoises. Aujourd’hui, on explique que c’est la pauvreté intellectuelle qui est cause de l’islamisme, mais cette approche sociologique est toute aussi fausse.

3ème erreur : La rationalité gagne toujours, l’irrationalité perd.

On se plait à croire que les islamistes sont des fous et qu’en les éduquant ils reviendront à plus de rationalité et donc qu’ils arrêteront leurs crimes. Là aussi, c’est accumuler plusieurs erreurs.

D’abord, être cultivé n’empêche pas de commettre des crimes. En Europe, nous avons l’exemple des SS et des cadres communistes, qui tout cultivés qu’ils étaient, ont pu encadrer les camps de la mort et faire mourir des millions de personnes.

Comme l’a très bien démontré Étienne de La Boétie, il y a en l’homme une préférence pour la servitude volontaire, parce que la servitude est confortable et qu’elle rend irresponsable. La liberté est, elle, très exigeante.

Enfin, les islamistes ne sont pas fous. Ils suivent une certaine logique, qui est celle de leur discours et de leur pensée. S’ils suivent un chemin de mort, ils n’en sont pas moins dans une certaine rationalité.

4ème erreur : Nous sommes en guerre contre le terrorisme

Le terrorisme est une arme. On n’est pas en guerre contre une arme, mais contre ceux qui la manient. On n’est donc pas en guerre contre le terrorisme, mais éventuellement contre les terroristes. Du reste, je ne crois pas que nous soyons en guerre.

À l’époque des Brigades rouges, personne ne disait que l’on était en guerre contre le terrorisme. Il y a certes des actes terroristes en France et en Europe, mais cela ne fait pas une guerre. Il est vrai que comme l’on emploie le mot guerre dans des sens multiples, on perd sa véritable signification. On parle ainsi de guerre contre le chômage ou de guerre contre la pauvreté, mais ce sont des images, non une véritable guerre.

Pour horribles que soient les morts du terrorisme, nous sommes loin des chiffres d’une véritable guerre. La Première Guerre mondiale a fait 1,8 million de morts en France, soit 1 150 morts par jour. En un jour, il y a eu plus de morts en France que par toutes les attaques terroristes des dix dernières années. En 1914, la France a connu 492 000 morts, et ce sont 179 000 soldats qui sont tombés à Verdun. Nous sommes sur des ratios qui n’ont rien à voir avec la fusillade du Bataclan ou l’attentat de Nice.

La bataille de France (mai-juin 1940) a causé la mort de 120 000 soldats. La guerre d’Algérie, c’est 25 000 morts chez les militaires français, soit 10 par jour.

Voilà de véritables guerres, à quoi il faut ajouter les bombardements de ville et les déplacements de populations civiles. La Syrie connaît une guerre, nous non. Ou peut-être pas encore.

5ème erreur : On peut réécrire le Coran

Pour les musulmans, le Coran est dieu. Le Coran n’est pas l’œuvre d’un homme, comme l’est par exemple la Bible, mais d’Allah, qui l’a dicté à Mahomet. À ce titre, on ne peut pas changer Dieu. Les paroles de morts et de combats qui sont dans ce livre ne peuvent pas être supprimées ou effacées par les hommes puisqu’elles ne sont pas de leur création. Toute la théologie musulmane repose sur le fait que le Coran est issu directement d’Allah. Changer cela, ce n’est pas réformer l’islam, c’est le détruire. On peut ne pas tenir compte de ces phrases, ou les interpréter dans un sens différent, mais nullement les supprimer.

6ème erreur : Croire que l’État peut seul assurer notre sécurité

Le terrorisme fonde son attaque sur la rapidité et la surprise. Bâtir des palissades ne nous protègera jamais des attaques du terrorisme. Nous ne demandons pas à l’État qu’il nous protège du terrorisme, mais qu’il éradique les terroristes. Il est illusoire de croire que mettre plus de soldats et de policiers dans les rues évitera les attaques. Il faut retrouver une capacité de mouvement en attaquant les terroristes là où ils sont. Cela, l’armée française a très bien su le faire pendant la bataille d’Alger avec les parachutistes de Massu.

C’est la même action qu’il faut mener aujourd’hui (moins la torture), fondée sur le renseignement et le ratissage minutieux des quartiers. Le renseignement français actuel fait d’ailleurs très bien son travail puisqu’il est capable de repérer tous les terroristes potentiels : ceux qui ont commis les crimes étaient fichés.

Ensuite, doit se poser la question de l’armement des milices privées. Dans une situation d’exception comme la nôtre, ceux qui ont le droit de posséder des armes, notamment les chasseurs et les membres de clubs de tir, devraient pouvoir mettre leurs compétences en ce domaine au service de la sécurité de leurs concitoyens.

7ème erreur : L’occultation du sacrifice

Je reprends ici la pensée de René Girard, qui m’apparaît fondamentale pour comprendre le moment que nous vivons. Le sacrifice est en effet au cœur de toutes les civilisations humaines, et les religions archaïques consistent à éliminer le bouc-émissaire, chargé de tous les maux, par le sacrifice, afin de restaurer l’ordre de la société. Les sociétés archaïques supposent donc le sang et la condamnation, puisqu’il est nécessaire de désigner le bouc-émissaire et de le tuer.

Les islamistes sont exactement dans cette perspective-là. Les boucs émissaires sont pour eux les juifs, les chrétiens, les mauvais musulmans, tous ceux dont ils estiment qu’ils souillent le monde et qu’il est nécessaire de tuer pour restaurer l’harmonie du monde.

Ce que démontre brillamment l’œuvre de René Girard, c’est que le christianisme détruit la logique du bouc-émissaire, car ici la victime, le Christ, est innocent. On quitte donc le monde des religions archaïques pour entrer dans la modernité de la foi. Le cycle de la violence est brisé. L’harmonie du monde ne pourra plus être restaurée par la violence, en tuant des boucs-émissaire, mais autrement ; par exemple par la discussion politique ou l’échange économique.

Nous sommes, nous Européens, chrétiens ou non, les héritiers de cette façon de voir le monde : tuer un innocent nous répugne, comme nous répugne l’assassinat du père Hamel. Mais pour les islamistes, tuer est la seule façon de restaurer l’ordre du monde : ils sont restés dans cette conception archaïque dont nous essayons de nous détacher depuis deux mille ans. À Saint-Étienne du Rouvray, il y avait deux visions du martyre. Pour la vision archaïque des islamistes, les martyrs sont ceux qui donnent la mort, car ainsi ils restaurent l’harmonie. Pour la vision moderne des chrétiens, les martyrs sont ceux qui sont tués de par leur innocence, et cette mort engendre la vie.

Nous revenons ainsi à notre première erreur : ne pas comprendre que les islamistes ne sont pas nous, qu’ils sont autres. Ils n’ont pas la même vision de la vie et de l’homme. Alors que nous sommes dans une conception moderne et nouvelle de l’humanité, eux sont dans une conception archaïque. De là la grande incompréhension, de là aussi la raison profonde du combat qu’ils mènent contre nous.

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