Echec d’un assassinat politique : et maintenant ?

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dimanche 12 février 2017

Échec du coup d’État, et maintenant ?

Le coup d’État mené contre François Fillon et la famille politique de la droite et du centre a échoué : celui-ci demeure le candidat de son camp et sa base de soutien est toujours aussi forte. Et maintenant, que peut-il se passer ?

Je maintiens le terme de coup d’État, que j’ai été un des premiers à utiliser. D’autres ont parlé d’assassinat politique, ce qui revient au même : on a tenté d’assassiner un concurrent pour imposer un autre concurrent, à savoir Emmanuel Macron. Je maintiens qu’il s’agissait bien d’un coup d’État, c’est-à-dire une tentative de prise de pouvoir par la force, menée contre une personne légitimement élue (par les primaires), le coup venant de l’intérieur de l’appareil étatique (de l’Élysée).

En d’autres temps, celui-ci aurait réussi. Pourquoi a-t-il échoué ? Pour plusieurs raisons. D’abord, grâce aux primaires ; c’est leurs conséquences inattendues. François Fillon n’a pas été choisi par un appareil de parti, mais par un processus démocratique qui a mobilisé un nombre de personnes sans précédent (plus de 4,5 millions de votants). Il tire sa légitimité de candidat de ce processus démocratique. Donc, seul un autre processus démocratique aurait pu lui retirer son investiture, et certainement pas un Politburo convoqué à la hâte.

Deuxième facteur de l’échec de cet assassinat, les réseaux sociaux. Quand les médias (presse, télévision, radio) se sont livrés à un acharnement hystérique et irrationnel, ce sont les réseaux sociaux qui ont porté la résistance, soit des soutiens déclarés à François Fillon soit des personnes neutres, mais choquées par une telle manipulation de l’opinion. C’est par les réseaux sociaux que les contre-informations ont pu circuler et que les personnes attachées à François Fillon ont découvert qu’elles n’étaient pas seules. Aujourd’hui, face à des médias incapables d’informer et devenus hystériques et manipulateurs, les réseaux sociaux sont les sentinelles de la démocratie. C’est eux qui transmettent l’information et qui l’échangent. Le pire peut y circuler, comme les rumeurs infondées, mais ce ne sera jamais pire que ce que font les médias (nous y revenons plus bas).

Et maintenant ?

François Fillon a donc survécu à une crise politique sans précédent dans le dernier siècle de notre vie politique. Et maintenant, que peut-il se passer pour lui ? Au plus fort de la crise, il a démontré qu’il était un chef, ce dont beaucoup doutait. Il a réussi à conserver son calme et sa capacité d’analyse, à maintenir son camp uni quand les couteaux commençaient à s’aiguiser, à garder un très solide socle d’adhésion (20% au plus bas de l’étiage). Ces qualités de chef ont révélé aux Français un François Fillon qu’ils ne connaissaient pas. Cette épreuve, à défaut de le tuer, l’a révélé. On comprend que ces qualités sont celles d’un chef d’État. Compte tenu de ce qui attend la France dans les cinq prochaines années : lutte contre l’islamisme, éclatement de l’UE, guerres tribales sous-jacentes, ces qualités sont indispensables. Dans ces crises qui risquent d’éclater, il faudra avoir les vertus de calme, de sérénité, de force et de lucidité qu’il a démontrées.

Quels résultats au premier tour ?

Une élection présidentielle regroupe environ 37 millions de votants. Il faut au moins 20% des voix, soit 7,4 millions, pour atteindre le second tour (ce fut le cas de toutes les élections précédentes). Aux primaires, ce sont près de 4,5 millions de personnes qui ont voté, soit 12,8% du corps électoral. C’est une base extrêmement solide, que François Fillon pourra élargir sans peine. S’il reste faible, il fera entre 20% et 25% des voix au premier tour. Je ne serai pas surpris que, comme aux primaires, il fasse un gros score et dépasse les 30%. La manipulation est tellement évidente et écœure tellement de Français qui comprennent que l’on veut leur voler l’élection pour leur imposer un candidat, qu’il est probable qu’une révolte démocratique ait lieu et se traduise par un vote élevé dans les urnes.

Marine Le Pen fera entre 20% et 25% des voix, ce qui correspond à la base électorale du FN aujourd’hui.

En troisième position, Benoît Hamon, autour de 15%, qui arrivera à mobiliser les fidèles du Parti socialiste. Jean-Luc Mélenchon devrait faire autour de 10%.

La baudruche Macron ?

Quant à Emmanuel Macron, je vois mal comment il pourrait faire plus de 10%. Écrivant cela, je prends le risque d’être démenti et de me tromper lourdement puisque les sondages le donnent à 20% en ce début de février. Mais plusieurs faits me font faire cette analyse.

D’une part, il n’a aucun programme et il est peu probable qu’il en sorte un dans les deux mois qui nous séparent du premier tour. Certes, certains votent pour une personne ou une attitude, mais un programme est malgré tout indispensable, même s’il est purement démagogique.

D’autre part, il n’a ni parti ni équipe. Or, on ne gagne pas une campagne seul, surtout une présidentielle. Il faut des personnes sur le terrain pour tracter, pour défendre dans les dîners en ville, pour soutenir. Ici, il n’a rien. Ce ne sont pas ces maigres soutiens, Pierre Bergé, Alain Minc et Jacques Attali qui pourront changer grand-chose.

Les chiffres d’Emmanuel Macron sont largement exagérés. Pour son meeting à la porte de Versailles, il annonçait 15 000 personnes, ce que tous les médias ont repris. L’Opinion a découvert le pot aux roses et a démontré qu’il n’y avait que 8 000 personnes. Et parmi elles, combien d’intermittents du spectacle payé par les entreprises organisatrice de meeting pour faire nombre ? C’est une pratique courante quand on cherche à remplir les salles. Les sondages le donnent certes à 20% mais son socle électoral est très friable.

Enfin, Macron n’a pas de base territoriale. Or, je soutiens que le vote lors d’une élection nationale n’est pas sociologique, mais territorial (j’ai expliqué cela ici). La base territoriale de Macron c’est Paris et Lyon, cela reste tout de même très faible.

On retiendra aussi qu’en mars 2002, Le Monde donnait Jean-Pierre Chevènement qualifié pour le second tour. Finalement, il fit à peine 5%.

Dernier point, plus la campagne avancera, plus Macron apparaîtra pour ce qu’il est : le fils spirituel de François Hollande. En 2007, nous avons eu l’épouse, Ségolène Royal (qui le soutient), en 2012, le mari, François Hollande, en 2017, le fils. Bravo pour le renouvellement.

Le grave problème posé par les médias

Il nous faut enfin parler du grave problème posé par les médias, tant ceux-ci se révèlent de plus en plus dangereux pour le maintien de la démocratie et des libertés publiques en France.

La façon dont ils ont traité la crise syrienne est absolument effrayante. Jamais ils n’ont tenté une présentation objective des faits (ce qu’on leur demande). Dès le début, ils ont pris faits et causes contre Bachar Al-Assad ; pourquoi ? Ils ont multiplié les mensonges, les omissions et les contre-vérités (l’usage des armes chimiques en septembre 2013 n’émanait pas du camp Assad, mais des islamistes). Pourquoi un tel parti pris ? Nous ne leur demandons pas cela, nous leur demandons de nous informer sereinement et nous dire la vérité.

Ils ont continué avec le traitement du référendum en Angleterre et de l’élection présidentielle aux États-Unis. Ils ont pris parti contre le Brexit et contre Donald Trump (bravo la lucidité). Pourquoi nous agonir d’insultes contre Donald Trump ? Nous ne sommes pas citoyens américains et nous ne votons pas à cette élection. Nous attendons des médias qu’ils nous présentent les candidats, leur programme, les raisons de leur soutien et les évolutions. Jusqu’au bout, ils ont martelé que Clinton serait gagnante. Le New York Times, lui, s’est excusé auprès de ses lecteurs.

Dans l’attaque contre François Fillon, ils ont présenté comme frauduleux des faits qui sont tout à fait légaux. Pourquoi ? Par incompétence ou par volonté de manipulation ?

Pourquoi ne parlent-ils pas de l’usage fait par Emmanuel Macron de son budget de ministre au profit de son association En Marche ? Pourquoi ne parlent-ils pas du fiasco de la gestion de Poitou-Charentes par Ségolène Royal, lourdement épinglée par la Cour des Comptes, et du plus grand fiasco encore du retrait de l’écotaxe ? (1 milliard d’euros de coût pour le contribuable).

Les médias sont devenus la Pravda officielle du régime. Résultat : de moins en moins de gens achètent des journaux et quasiment tous les titres sont en situation de faillite. Ils survivent grâce à l’argent public ou à l’effacement de leur dette (Macron a effacé celle du Canard Enchaîné).

Il faudra bien un jour régler cette question des médias, car ils deviennent dangereux pour la démocratie. L’État n’a pas besoin d’avoir une dizaine de chaînes de télévision (France 2, France 3, France 5, Arte, France O, France 24, France Info, TV5) et autant de stations de radio. Que les ministères aient une chaîne You Tube pour relayer les vidéos des ministres, rien de plus normal. Que l’on dépense des milliards d’euros d’argent public pour nourrir des médias incapables de fournir une information fiable et non partisane est choquant. A chacun de s’abonner à la chaîne qu’il souhaite ou au journal qu’il aime. Que l’on rende l’argent aux Français et que l’on ferme ces radios et ces télévisions qui n’apportent rien.

Sans informations fiables, il n’y a pas de démocratie possible ni de société de liberté. Les vrais journalistes devraient se révolter contre cela, dénoncer ce système et se regrouper pour fonder de vrais médias d’information, non de propagande. Le risque est sinon de laisser enfler les rumeurs et les théories du complot. La rupture technologique actuelle permet de créer facilement une radio, d’ouvrir des sites d’information, en se passant des distributeurs, des NMPP et de l’impression. Nous ne sommes qu’au début de ce processus. Lors de la présidentielle de 2007, les réseaux sociaux n’existaient pas. Que de changements en dix ans. Le métier de journaliste va profondément changer dans les dix ans à venir. Espérons que cela soit pour le bien, c’est-à-dire pour fournir une vraie information, faite pour informer non pour manipuler.

Addendum 20/02/2017

J’avais mentionné dans l’article que la société Elabe appartenait à Patrick Drahi, ami et soutien d’Emmanuel Macron. J’avais lu cette information dans un grand quotidien national. Il s’avère que ce n’est pas le cas. Cette société, qui a été fondée par Bernard Sananès, n’est pas dans l’actionnariat de Patrick Drahi et est indépendante de lui.

Addendum 13/02/2017

Pour répondre à certaines observations : j’essaye, ici, d’analyser les choses de façon rationnelle et étayée. Je puis me tromper dans mes analyses, il y a peut-être des choses que je ne vois pas : à chacun d’en juger.
Mais deux choses me gênent dans cette affaire :

1/ Le lynchage médiatique, comme tous les lynchages, où l’on présente une personne comme coupable dans le déni de la présomption d’innocence et le recul d’une enquête.

Hélas, nous sommes trop sujets à ce genre de chose. Je pense, entre autre et dans des genres différents, à l’affaire d’Outreau ou bien au lynchage subi par le Professeur Sylvain Gouguenheim avec son livre Aristote au Mont Saint-Michel.

C’est non seulement injuste mais cela crée un climat d’hystérie collective qui est néfaste pour tous.

2/ La perte de la rationalité et de la réflexion. Depuis les Grecs, la démocratie est liée au logos, à la raison. L’hubris, la colère, souffle sur les passions et aboutit à la tyrannie. Sans réflexion, sans logique, nous ne pourrons pas maintenir notre liberté et notre démocratie.

Chacun est libre de soutenir le candidat qu’il souhaite, c’est le principe même du suffrage universel, mais que cela se fasse dans la réflexion et le respect de l’autre camp.
Le vote ne doit pas dégénérer en guerre civile ni l’élection devenir une guerre civile permanente.

Ce sont là des pistes de réflexion qui me paraissent essentielles pour l’avenir de nos libertés et de notre démocratie.

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