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lundi 26 février 2018
Louis-Napoléon Bonaparte a régné vingt et un ans sur la France, de 1849 à 1870. Président de la République puis Empereur des Français, il est l’un des hommes majeurs de la vie politique du XIXe siècle, et pourtant un homme oublié et méconnu. On retient de lui Sedan et la défaite, au mieux les chemins de fer, les banques, les plaisirs de la vie parisienne et Offenbach. Le charme d’un Second Empire où la France allait bien, où l’industrie se développait, où Paris se transformait. Chez Napoléon III demeure cette ambivalence perpétuelle d’un homme qui est un sphinx, qui est méconnu et dont les fastes de la cour n’arrivent pas à ternir les affres de la défaite ; d’une guerre qu’il n’a pourtant ni voulue ni aimée.
Il laisse un fils à la France, mort quelques années plus tard contre les Zoulous et sous l’uniforme anglais, mais il ne laisse ni postérité intellectuelle ni postérité politique. Victor Hugo l’a attaqué de sa mauvaise foi et de sa virulence, pour se venger de ne pas avoir été nommé ministre. Alexis de Tocqueville ne l’aimait guère, lui reprochant son coup de force pour prendre le pouvoir et établir l’empire. Avec Louis XVIII et Louis-Philippe, il est pourtant l’un des plus grands dirigeants du XIXe siècle, en France et en Europe. Il a su concilier le calme et la grandeur, et donne à la France un nouvel élan. La comparaison avec son oncle n’est jamais bonne, mais lui au moins n’a-t-il pas sacrifié la jeunesse française dans les vaines gloires militaires. Sous son règne, la France grandit et se modernise. Il est le digne héritier de Louis-Philippe et de la Monarchie de Juillet, avec un autre caractère et une autre légitimité, mais le même souci de réconcilier les Français et d’assurer le développement et la modernisation du pays.
Alain Frerejean analyse Louis-Napoléon Bonaparte avec beaucoup de finesse et de justesse. Biographe de son fils, Napoléon IV, il connaît la famille impériale. Biographe également de Georges Pompidou, il sait approcher ses hommes discrets, oubliés, mais qui ont profondément réformés la France. Les biographies consacrées à Napoléon III commencent à se multiplier, preuve du regain d’intérêt pour l’Empereur et pour son époque. Les travaux historiques s’accumulent et l’on commence à redécouvrir la richesse de cette période, aussi bien dans la vie intellectuelle que culturelle.
Le drame de Napoléon III est d’avoir été seul. Son groupe d’amis et de proches avec qui il a fait ses coups politiques et pris le pouvoir meurt ou vieillit et il n’arrive pas à régénérer sa base, à s’attacher la jeunesse. Il est seul à Sedan comme dans l’exil, comme il était seul dans sa vie politique. Mais l’aspect le plus intéressant du règne est sans doute le passage de l’empire autoritaire à l’empire libéral. C’est là l’autre ambigüité de Napoléon III. C’est un libéral au sens propre, qui porte les combats des libéraux de son temps : unité nationale, unité de l’Italie, pour laquelle il combat dès 1830 avec son frère, liberté politique, suffrage universel et appel du peuple, ce que ces détracteurs ont nommé avec dédain populisme et démagogie.
Bien que libéral, il porte aussi en lui cette tendance autoritaire qui l’a brouillé avec Tocqueville. Il souhaite libéraliser l’Empire en 1867, mais attend 1869 pour le faire et, un an plus tard, l’Empire est renversé, alors même que tous le croyaient raffermi. En la personne de Napoléon III se joue aussi la question dramatique du rapport entre l’autoritarisme et la liberté et la longue marche de la France vers l’acceptation de la démocratie et de l’équilibre des pouvoirs. Une question qui n’est tranchée ni par le Second Empire ni par la IIIe République et qui demeure en bien des points pendante. C’est cette complexité que l’auteur analyse avec succès, pour démontrer toute la profondeur du long gouvernement de Napoléon III.
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