Géopolitique de la cravate

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jeudi 17 octobre 2019

Lorsque je réfléchissais à un sujet de thèse en histoire économique, mon directeur, Jacques Marseille, m’avait suggéré de travailler sur la géopolitique de la cravate. Le thème était certes séduisant, mais je ne voyais pas alors comment consacrer 700 pages à ce bout de tissu et j’ai finalement opté pour un sujet plus sérieux, l’entreprise Total. À tort, car ce thème est beaucoup plus profond et important qu’il n’y parait. Comme toutes les pièces vestimentaires, la cravate se superpose aux domaines de la culture, des représentations symboliques et politiques, de l’industrie et des innovations techniques. Esquisser une géopolitique de la cravate est donc plus important qu’il n’y parait.

Rejet et attrait d’une pièce d’étoffe

La cravate serait née chez les Croates, qui portaient une pièce de tissu nouée autour de leur cou. Louis XIV aurait repris cette idée pour son armée. La cravate avait donc une fonction utile autant qu’esthétique : se protéger des courants d’air et de la poussière. Elle a connu différentes formes, avant de devenir celle que nous connaissons aujourd’hui et dont le nom complet est cravate régate. Elle demeure la pièce type du vestiaire masculin, qui est aujourd’hui beaucoup plus restreint que le vestiaire féminin. Or non seulement cette pièce est masculine, mais elle est aussi et surtout occidentale. Son port situe donc la personne qui l’arbore dans une adhésion au monde occidental ou au contraire dans son rejet.

Au temps de Rome, le passage du monde barbare au monde civilisé, c’est-à-dire romain, se faisait par le rejet des braies et l’adoption de la toge. Quand Pierre le Grand a voulu moderniser la Russie il a obligé sa noblesse à porter des manteaux courts et à se raser, c’est-à-dire qu’il a imposé la mode française à la cour de Saint-Pétersbourg. À l’époque de la colonisation, l’adoption du vêtement occidental masculin était un signe d’assimilation et d’intégration dans les valeurs culturelles et civilisationnelles de l’Occident. La cravate, beaucoup plus que le pantalon, la chemise ou la veste, est demeurée le signe d’adhésion à l’Occident. Nous verrons plus tard pourquoi elle et pas les autres pièces. Sa signification symbolique a donc changé. Ce n’était plus un signe d’opposition entre barbarie et civilisation, mais entre l’Occident et l’indigénisme. La cravate est donc devenue un symbolique politique.

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