Les halles de Lyon

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dimanche 17 novembre 2019

Les villes mangent et attirent à elles les produits régionaux et nationaux. Pas de terroir de qualité sans marché, c’est-à-dire sans lieu d’échanges et sans gastronomes avertis prêts à dépenser pour des produits de qualité. Les poulets de Bresse, les vins de Bourgogne, les charcuteries et les fromages d’Auvergne, les brochets et les carpes des étangs de la Dombes trouvent leur point d’aboutissement dans les halles de Lyon. C’est la ville, avec ses consommateurs avertis et exigeants, prêts à payer le prix de la qualité, qui permet aux agriculteurs de produire des mets renommés. Sans palais fins et sans bourses pleines jamais les paysans n’auraient pu investir autant de moyens financiers et humains pour développer des produits certifiés. Les halles sont ce lieu de rencontre du producteur et du consommateur, ce lieu d’échanges et de plaisirs où les régions se retrouvent au cœur de la ville.

À Lyon, les premières de l’ère contemporaine ont été bâties en 1858 par l’architecte Tony Desjardins. Devenues trop petites et ne répondant plus aux normes d’hygiènes, de nouvelles halles ont été édifiées dans les années 1960, dans le quartier de la Part-Dieu, à proximité de la gare. Sous la figure tutélaire de Paul Bocuse, dont un immense portrait couvre un large mur, les halles de Lyon rappellent l’histoire de la gastronomie française. On y retrouve les célèbres mères, celles qui accompagnaient par leur cuisine les ouvriers et les travailleurs de peine comme la mère Richard, avec ses saints Marcellin et Félicien et ses fromages affinés d’Auvergne et de Normandie. Les charcutiers et les bouchers ont la part belle, sur des étals où pendent saucissons et salaisons et où se présentent les belles viandes des meilleures races bovines de France. Volaillers, écaillers et boulangers présentent chacun à leur façon la qualité de leurs marchandises qui toutes racontent l’histoire de leurs terroirs. Les halles sont un tour de France perpétuel où le maillot jaune est porté par chacun des produits. Les restaurateurs viennent s’y approvisionner autant que les particuliers, qui peuvent en sus y venir déjeuner.

Contrairement à Rungis, ventre excentré et coupé de sa ville, les halles de Lyon ont su rester au cœur de la cité et perpétuer la tradition culinaire de la région. Les halles sont des lieux de rencontres professionnelles et amicales, des lieux de vie. Il est heureux de constater que de nombreuses villes ont restauré leurs halles, redonnant vie à une architecture industrielle dont on découvre la beauté et à des lieux centraux qui permettent les rencontres. Entre les travées et les tables de bistrot, entre les aquariums et les chocolatiers, les grands noms de la gastronomie ne peuvent vivre que parce que des personnes sont prêtes à investir ces lieux. Leur adversaire n’est pas le supermarché, mais le client qui les déserte pour d’autres amours et qui vient ensuite pleurer leur mort. À chacun de fréquenter ces lieux fragiles pour y maintenir la vie gastronomique.

Chronique parue dans L’Incorrect.

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