Le vin chaud de l’hiver

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jeudi 8 décembre 2011

Chaque 8 décembre, la ville de Lyon commémore la fête des Lumières, en hommage à la Vierge Marie, qui a protégé la ville d’une invasion de peste en 1643. Autrefois commémorée le 8 septembre, la fête des Lumières se tient désormais le 8 décembre, depuis 1852. Cette fête mariale et populaire se rattache à la gastronomie pour au moins deux raisons : d’abord parce que Lyon est la capitale de la gastronomie française, et ensuite parce qu’on y sert, dans les rues, un vin chaud salutaire en cette saison rigoureuse.

La ville de Lyon est au confluent des montagnes alpestres, de l’Auvergne, du Jura, et à une moindre proximité des Vosges, ce qui lui permet de bénéficier des denrées de ces régions. Par le Rhône et la Saône, la ville peut s’alimenter en denrées venues de plus loin, notamment en vin de Bourgogne et de Châteauneuf, et en Beaujolais, le troisième fleuve de la cité. Ses bouchons renommés font de la ville un haut lieu de la gastronomie, même si ses plats roboratifs et paysans ne conviennent pas à tous. La gastronomie est une culture venue de la campagne et qui trouve son épanouissement dans les villes. Pour l’apprécier il faut être un être rare, mi-paysan, mi-citadin. Etre tout l’un ou tout l’autre empêche d’y prendre pleinement part.

L’ambiance de la fête se veut festive et amicale, et le vin chaud est largement servi. Curieuse boisson que ce vin chaud, qu’aucun puriste ne peut cautionner. Faire chauffer du vin bas de gamme est peut être une façon utile de le consommer, mais c’est un sacrilège au regard des lois œnologiques. Pourtant, cette boisson a quelque chose du fossile qui demeure. Elle rappelle la boisson des Grecs, recommandée par Hippocrate dans ses traités de médecine. Elle peut aussi s’apparenter à l’hypocras, la boisson des dieux de l’Olympe, pour peu qu’elle soit mêlée de miel, de cannelle ou de poivre. Boisson sans prétention donc, si ce n’est de réchauffer, et d’apporter un brin de confort par les arômes simples et basiques qu’elle peut procurer. Le vin chaud est d’abord apprécié pour son côté convivial. Avec lui on revient aux origines du vin : on ne le boit pas seul, ni même à table, mais dans la rue, en marchant, en rigolant avec des copains de fête. C’est le vin du partage simple, non pas le vin de château ou de la table, mais le vin de rue. On a perdu aujourd’hui ce vin de rue, que l’on trouvait autrefois dans les guinguettes et dans le bleu d’Argenteuil. Le vin chaud est donc une survivance, une boisson de la préhistoire du vin qui demeure encore parmi nous. C’est un fossile vivant.

Il est à classer avec le vin d’honneur ou le kir : des boissons aux particularités organoleptiques nulles, à l’intérêt œnologique proche du néant. Et pourtant, c’est l’histoire du vin, c’est la longue histoire du vin, celle des banquets et de l’amitié. Si le vin chaud disparaissait, les vins de châteaux et de classement perdraient eux-aussi quelque chose, car le monde du vin est un tout. Le côté canaille et diablotin qu’il procure est comme une parenthèse salutaire pour apprécier ensuite l’émotion féconde et profonde de tremper ses lèves dans le calice d’un très grand cru.

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