Le club des Hénokiens

Vous êtes ici : Accueil > Articles > Le club des Hénokiens

lundi 1er juin 2015

Connaissez-vous le club des Hénokiens ? Il s’agit d’une association internationale regroupant des entreprises familiales de plus de deux cents ans d’existence. Seules 44 entreprises en sont membres. Toutes sont européennes, sauf 5 japonaises ; et 12 sont françaises. Les Italiens sont les mieux représentés, avec 14 entreprises. Pourquoi Hénokien ? Ce nom est une référence au roi biblique Hénoch, qui vécut jusqu’à l’âge de 365 ans. C’est une longévité extraordinaire dont témoignent ces entreprises : plus de deux siècles d’existence entre les mains d’une même famille, surmontant les crises, les guerres, les attaques de la concurrence et les transitions économiques.

L’association fut fondée en 1981 par Gérard Glotin, alors PDG de Marie Brizard, fondée en 1755. Dans ce club figure la célèbre marque Beretta (fondée en 1526), Peugeot (1810), Hugel et Fils, viticulteurs, installés à Riquewhir depuis 1639. On y rencontre aussi Viellard-Migeon et Compagnie, fondée en 1679 à Lepuix-Gy en Franche-Comté, qui travaille des articles en acier. Elle est aujourd’hui leader mondial de l’hameçon, équipant les plus grands amateurs de pêche à travers le monde. Ces entreprises sont plus anciennes que la plupart des États du monde. Beaucoup ne sont pas connues du grand public et œuvrent dans la discrétion pour proposer leurs produits d’excellence. Elles témoignent de leur capacité à rester fidèle à leur modèle économique (l’entreprise familiale) et à leurs produits, tout en s’adaptant aux nouveaux modes de consommation et aux goûts des clients. Elles sont de véritables modèles de réussite entrepreneuriale.

32 Dumas, le patriarche français. C’est une des plus anciennes entreprises françaises encore en activité, peut-être la plus ancienne. 32 Dumas a été fondé en 1532 à Thiers, et figure comme un des grands noms de la coutellerie. Il équipe surtout les professionnels, bouchers, traiteurs, poissonniers, qui recherchent le tranchant réputé de sa lame. Pour les particuliers, la marque a créé un couteau de poche en 1908 réédité il y a quelques années. Cette marque reste dans les mains de la famille Dumas jusqu’en 1882, date à laquelle elle est rachetée par une autre famille de coutellerie de Thiers, Rousselon, dont la société fut créée en 1852. Ce rachat l’empêche de figurer parmi les Hénokiens, mais il montre que les mariages peuvent être heureux quand ils savent associer le goût de la transmission et l’exigence de la qualité.

La typologie des Hénokiens est variée : on y trouve des banquiers (Louis Dreyfus, Banque Lombard Odier), des entreprises alimentaires (Amarelli, distillateur de réglisse, Akafuku, pâtisseries japonaises…), des entreprises textiles (Lanificio Conte, Fratelli Piacenza…), ainsi qu’un fondeur de cloches (Colbachini) et un porcelainier (Revol). Dans leurs domaines respectifs, beaucoup ont fait faillite. Leur succès continu témoigne de la primauté de l’homme sur la conjoncture. Les crises n’existent pas, seuls existent des patrons qui ne savent plus faire face aux exigences de leur clientèle. Ces entreprises définissent, par petites touches, ce qu’est le capitalisme. Non pas une praxis du profit, mais une philosophie de la vie, fondée sur les trois piliers de l’éthique professionnelle, de la vision entrepreneuriale et de la nécessité de la transmission.

Chronique parue dans l’Opinion.

Thème(s) associés :

Par Thèmes