Le Figaro : Entretien

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samedi 7 décembre 2019

Je suis interrogé par Le Figaro sur le rôle de la diplomatie vaticane.

FIGAROVOX.- Le pape François a récemment tenu des propos très controversés contre la dissuasion nucléaire. À la lecture de votre livre, on est assez surpris de découvrir l’influence du Vatican et l’importance de sa diplomatie. Celle-ci est-elle méconnue ?

Jean-Baptiste NOÉ.- Le rôle diplomatique du Saint-Siège est en effet méconnu des catholiques eux-mêmes. Il remonte pourtant aux origines de l’Église puisque les papes ont eu des envoyés (des nonces) dès l’époque antique. En 1701, Clément XI a créé une école destinée à former les futurs diplomates, qui existe encore et qui a servi de modèle aux autres États européens. Lors du congrès de Vienne (1814), il est reconnu aux nonces le titre honorifique de doyen du corps diplomatique, titre qui a été confirmé en 1961. Le Saint-Siège est aujourd’hui l’un des États qui a le plus de relations diplomatiques, sans compter les représentants à l’ONU et ses satellites.

Le Saint-Siège a joué un rôle crucial au cours du dernier siècle. Durant la Seconde Guerre mondiale, Pie XII a été le pivot de la résistance à Hitler, structurant des réseaux d’espionnage et de fuite des prisonniers, organisant, chose sans précédent, plusieurs attentats pour tuer le dictateur ; dont le plus connu est l’opération Walkyrie. Jean XXIII est intervenu auprès de Kennedy et de Khrouchtchev pour éviter le drame du feu nucléaire lors de la crise de Cuba. Quant à Jean-Paul II, son action pour détruire le totalitarisme communiste a été décisive, comme l’a reconnu Gorbatchev lui-même.

L’action diplomatique du pape François, contre toute attente là encore tant ce pape est connu pour sa volonté de rupture, semble au contraire largement en continuité avec la diplomatie de ses prédécesseurs ?

En effet, il y a une remarquable continuité diplomatique entre François et Benoît XVI. Dans les affaires du monde, le pape François a repris et achevé les dossiers ouverts par le pape Ratzinger : rapprochement avec la Russie, relations avec les mondes musulmans, dossier chinois, etc.

Bergoglio est devenu pape en n’ayant aucune expérience diplomatique.
Bergoglio est devenu pape en n’ayant aucune expérience diplomatique, contrairement à ses prédécesseurs qui soit étaient diplomates (Paul VI et Pie XII par exemple), soit avaient eu une intense expérience du monde (comme Wojtyla et Ratzinger). François s’est appuyé sur l’État profond du Vatican et une administration bien rodée. Les hommes de la Secrétairerie d’État (qui s’occupe des questions diplomatiques) sont remarquables à cet égard : ils sont peu nombreux, mais ils parviennent à abattre un travail intense.

François s’est aussi appuyé sur des hommes de grande qualité, comme les cardinaux Tauran, Parolin et Mamberti, dont la principale des qualités est le silence et la discrétion. Tout cela donne un appareil diplomatique qui fonctionne bien, avec très peu de moyens.

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