La vie belle de Jean d’Ormesson

L’image mondaine de Jean d’Ormesson risque d’effacer la teneur de ses œuvres. Son talent littéraire est pourtant indéniable et il n’a pas connu le succès littéraire par mégarde. Le premier roman que j’ai lu de lui est son Histoire du juif errant (1991), brillante fresque historique qui brille certes par l’érudition de l’auteur, mais aussi par la beauté du style, ce qui est tout de même une qualité que l’on demande aux romans. Ses livres se lisent toujours avec beaucoup de plaisir et de facilité, tant sa plume est belle et déliée. Il n’est pas sujet aux effets de style ampoulé et écrit avec cette légèreté qui permet au lecteur de passer de bons moments de lecture ; ce qui est la qualité première attendue d’un roman.

Ses mémoires, parus en 2016, Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, sont du même registre. Certes on y redécouvre Jean d’Ormesson, et des passages de sa vie qui sont tantôt connus tantôt inédits, mais on y retrouve aussi toute une histoire du XXe siècle et de la vie culturelle et politique de celui-ci. Suivre Jean d’Ormesson au long de sa longue et riche carrière de journaliste et d’écrivain c’est aussi rencontrer tous les auteurs, les romanciers, les artistes et les politiques que l’auteur a lui-même rencontrés. À ce titre, ce livre est intéressant aussi pour l’historien, car il permet d’entrer dans la saga intellectuelle du siècle dernier et de voir, par l’œil de l’auteur, le déroulement de la comédie du pouvoir et de la comédie des lettres. On y croise les grands noms de l’Académie et de l’édition, les ministres déchus et en devenir, les industriels et les hommes d’entreprise. On y croise une vie qui a duré presque un siècle et dont les soubresauts historiques ont été nombreux. C’est certes la vie de Jean d’Ormesson, mais c’est aussi la vie intellectuelle et poétique de la France. Portée par une plume légère et qui donne envie de poursuivre l’aventure, cette vie est témoin des époques et des combats culturels du siècle. C’est en cela que ces mémoires, comme beaucoup de mémoires, sont à la fois un objet littéraire et un objet d’histoire.