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dimanche 21 avril 2019
Ma chronique gastronomique mensuelle de L’Incorrect est consacré au Val de Loire.
De lumières et d’éclats
Le Val de Loire a fait de sa discrétion le sceau de sa noblesse. Il n’attire pas de prime abord, comme la Bretagne ou la Provence ; il cultive le charme élevé de l’aristocratie lui qui est parcouru jusque dans ses affluents de châteaux mirobolants. Sa craie blanche, le tuffeau, a été exploitée pour bâtir demeures et palais. Sa lumière s’y frotte et révèle l’éclat d’une luminosité changeante. On comprend que Rabelais et Ronsard s’y soient plu à foison : la lumière offerte par le val est l’une des plus douces et des plus soyeuses qui soient. Dans ces carrières de craie furent ensuite cultivés des champignons. Aujourd’hui, la plupart laissent la place à des caves où les bouteilles sont maintenues toute l’année autour de 13°C.
De larges galeries fraîches qui permettent de circuler sous les coteaux et de rallier ainsi villages et monuments. Fontevraud est la grande nécropole royale des Plantegenêt. Ci-git Richard Cœur de Lion, né à Bordeaux, mais enterré au large des vignes de Loire. Non loin de là le village de Cande Saint-Martin où est mort l’évangélisateur de la Gaule. Son corps fut prestement dérobé le soir de son décès pour remonter la Loire jusqu’à Tours et y être enterré. Le Val de Loire est un vaste chapelet d’appellations qui partent de sa source, près de Saint-Pourçain, pour aller jusqu’à sa bouche, à Nantes. Des vins d’inégale qualité, mais qui n’ont cessé de s’améliorer ces dernières décennies. Des vins modestes sont aujourd’hui de bons crus qui peuvent faire jeu égal avec des appellations renommées. On égrène les noms de Vouvray, de Chinon, de Saumur Champigny, de Savennières et les liquoreux coteaux du Layon. Ses cépages sont à la rencontre de la Bourgogne et du Bordelais : gamay, pinot noir, cabernet sauvignon. C’est une terre d’artistes et de poètes dont le dernier grand en date est René Boylesve. Léonard de Vinci y a trouvé inspiration et raison d’y mourir. La concurrence entre les châteaux et les évêchés a encouragé les vignerons à porter leurs produits vers l’excellence, le tout étant facilité par la vaste autoroute qu’est la Loire, en dépit de ses bancs de sable et de ses courants contraires. Charles VII retranché à Chinon aurait pu y vivre une retraite dorée si cette Jeanne énergique ne l’avait pas sorti de sa stupeur pour retraverser le fleuve et libérer Orléans.
Ses spécialités culinaires sont discrètes et n’ont guère conquis les tables des autres régions alors qu’elles méritent amplement le détour. C’est la Sarthe avec ses volailles, et notamment la région de Loué, comme les canards de Challans, en Vendée, à la chair rouge. Toujours en Vendée, les mogettes, ces haricots ronds cuisinés en de nombreuses sauces rivalisent de surprise avec les fouaces de Saumur qui rappellent les guerres de Picrochole et de frère Jean des Entamures. Côté fromages, entre le curé nantais, les chèvres de Loire et le crémet d’Anjou, un fromage frais servi avec des œufs en neige, il n’y a que l’embarras de trouver le bon vin pour les accompagner.
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