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samedi 8 décembre 2018
Des tensions peu connues agitent en ce moment la diplomatie française et chilienne autour de l’asile d’un terroriste. Je publie ici un article écrit par un juriste chilien.
TENSION ENTRE LA FRANCE ET LE CHILI SUR UNE DECISION D’ASILE POLITIQUE
Les relations diplomatiques entre la France et le Chili sont tendues suite à l’asile accordé, le 2 novembre dernier, par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à Ricardo Palma Salamanca, l’un des hommes les plus recherchés par la justice chilienne.
La décision de l’Ofpra a été très mal perçue par le Gouvernement chilien et a fait la une de tous les journaux du pays. Pour être comprise, cette réaction doit être replacée dans son contexte qui est moins administratif que mémoriel et politique.
L’affaire Palma
L’affaire Palma Salamanca renvoie à l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire de la transition démocratique. Gouverné par une Junte Militaire présidée par le Général Augusto Pinochet (1973-1990), le peuple chilien avait été invité à se prononcer sur la continuité du régime dans un référendum en 1988. Le résultat de ce dernier a été favorable au retour du régime républicain et démocratique, en accord avec la tradition constitutionnelle du Chili. Les années 1990 seront celles d’une transition délicate du pouvoir.
C’est dans ce contexte que se situe l’affaire faisant l’objet d’une opposition entre la France et le Chili. Membre du mouvement armé d’extrême gauche Front Patriotique Manuel Rodriguez (FMPR), Palma Salamanca a été condamné, par les tribunaux chiliens, aux débuts des années 1990. Il avait assassiné le sénateur Jaime Guzman, conseiller de la Junte Militaire et fondateur du parti de droite UDI. De plus, il avait participé à l’enlèvement de Cristian Edwards, fils du propriétaire du journal El Mercurio, l’un des plus influents du pays. Ces deux faits ont eu lieu en 1991. Palma Salamanca a commencé à purger sa peine dans la prison de haute sécurité de la capitale chilienne jusqu’en 1996, année durant laquelle il s’en est évadé d’une façon non moins inattendue que spectaculaire, avec l’aide d’un hélicoptère.
Après son évasion, Palma Salamanca s’installe au Mexique où il réussit à mener une vie cachée pendant plus de vingt ans, en faisant usage d’un faux nom. Dans ce pays il retrouve l’un des anciens leaders du FPMR, Raúl Escobar Poblete. L’arrestation, en 2017, d’Escobar Poblete par les autorités mexicaines motivera Palma Salamanca à traverser l’Atlantique afin de demander l’asile politique en France, pays dans lequel de nombreux opposants à Pinochet avaient trouvé asile.
La question de la souveraineté nationale
Le Gouvernement chilien et la quasi-totalité de la classe politique considèrent que la décision de l’OFPRA porte atteinte à la souveraineté nationale du Chili et au respect dû à ses institutions. Les autorités soulignent que les faits pour lesquels Palma Salamanca a été condamné ont eu lieu en plein Etat de droit, à l’époque d’un gouvernement de centre-gauche. C’est, disent-ils, ce que les autorités françaises n’ont visiblement pas saisi en octroyant le statut de réfugié à Palma Salamanca qui dit avoir subi des tortures lors de son procès. A ce propos le point de presse du Quai d’Orsay est révélateur lorsqu’il énonce que « le cas de Ricardo Palma Salamanca renvoie à l’histoire du Chili sous la dictature d’Augusto Pinochet ».
Le Président chilien, Sebastian Pinera (centre-droite), a traité avec Emanuel Macron, lors de sa visite à Paris en octobre, de l’intérêt de son pays d’obtenir l’extradition de Palma Salamanca. Suite à la décision de l’Ofpra, M. Pinera a écrit une lettre à son homologue français pour lui faire part de sa déception. Côté chilien, l’opinion publique a découvert avec surprise qu’aucun ambassadeur n’avait était nommé à Paris par le gouvernement de M. Pinera, arrivé au pouvoir en mars dernier. Cette situation a suscité des critiques pointant l’incohérence du gouvernement entre son attitude et son discours.
Le Gouvernement chilien espère désormais obtenir gain de cause devant la cour d’appel de Paris qui doit se prononcer sur cette affaire le 12 décembre prochain.
Bernardo Garcia Larrain.
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