De l’importance de la toponymie

Vous êtes ici : Accueil > Articles > De l’importance de la toponymie

mercredi 16 octobre 2013

N’importe quel voyage sur les routes de France nous montre des noms de lieux. Ces noms ont une histoire, et leur étude permet de la connaître. La toponymie est la science des noms de lieux : rivière, village, champ, plaine, tous les noms de ces lieux nous renseignent sur leur histoire et permettent de reconstituer les étapes de l’occupation humaine, en relation avec le milieu physique, de mettre en valeur les vieilles frontières linguistiques et leurs fluctuations.

Avant tout, il est indispensable de prendre beaucoup de précautions quand on analyse un toponyme : les noms transmis oralement ont souvent été déformés. De même des localités habitées depuis longtemps ont pu changées de nom ; une localité gauloise a pu prendre le nom de son propriétaire romain, puis adopter le nom de son seigneur. Enghien, près de Paris, ou Broglie, en Normandie, sont des cas typiques où des familles ont donné leur nom à la localité. Par conséquent un toponyme isolé est sans signification, ce n’est que lorsque plusieurs noms similaires peuvent être regroupés qu’il est alors possible d’en tirer des informations. La terminaison « acus » a ainsi donné « ac » dans le Midi, « y » dans le Nord et « é » dans l’Ouest. Un nom en « ac » dans le Nord n’est donc pas originel.

Une fois ces préliminaires établis il faut ici rappeler que les strates linguistiques de la France peuvent se classer en quatre grandes catégories. D’abord la strate celtique, qui est la plus ancienne, et qui réunit des noms dont la signification est parfois confuse. Ensuite la strate gallo-romaine. Celle-ci s’étend de la conquête de la Gaule au VIe siècle. Les noms de cette époque sont aisément reconnaissables à leurs suffixes. Puis la strate médiévale. Elle correspond aux formes d’encellulement, aux clairières de défrichement créées par les moines, depuis l’époque carolingienne jusqu’au XIIIe siècle, en passant par les grands défrichements de l’an mil. Enfin, la plus strate la plus récente, celle de l’époque moderne. La plupart des toponymes sont en place mais des événements de l’histoire ont pu les faire changer, comme l’apparition du lieu dit Solferino après cette bataille.

Analysons maintenant ces strates de façon plus approfondie.

La strate celtique a laissé peu de trace, et seuls des linguistes avertis peuvent la reconnaître. Il n’en va pas de même pour la deuxième strate qui a donné des toponymes aisément identifiable, tel que Brive, qui vient de briva, le pont, dun la forteresse, comme à Verdun, magos, le champ, comme Rouen, qui vient de Rotomagus. Les noms en aix ou ax viennent de aquis, l’eau : Dax, Aix les Bains, Aix en Provence. Les terminaisons en av, y, eu, ieu, dans le Nord, et ac dans le Midi sont très courantes. Elles signifient le domaine de.

Les défrichements de l’époque médiévale ont été l’autre grande période de nomination des lieux. En effet, la pratique à bien obligé à nommer les espaces gagnés sur la forêt et à donner des qualificatifs à ces nouveaux lieux. Les toponymes en ville, villers et court sont des survivances de villa ou de cohors, qui désignent les grandes exploitations rurales et les domaines agricoles.

Les noms en celle viennent de cella, l’ermitage, et ont donc une origine ecclésiastique, de même que moutier qui vient de monastorium, le monastère, ou bien les noms en dom et dam suivi du nom d’un saint, comme Dammartin (saint Martin) ou Domrémy (saint Rémy).

Dans les campagnes on trouve aussi beaucoup de noms venant des hôpitaux ou des ordres hospitaliers, comme les léproseries, ou les maladreries. Les noms dérivés de château sont aussi très fréquents : châtel, castel, ou Le Plessis, qui veut dire manoir. Mas vient de meix, mansus, c’est-à-dire l’exploitation familiale, comme dans le Mesnil ou le Mas. Les essarts sont le nom des défrichements, quant aux fondations nouvelles on les reconnaît fort aisément : Villeneuve, Villefranche ou Bastide.

A ces différentes states il faut ajouter des particularités locales. Ainsi, sur le pourtour méditerranéen, on trouve des noms d’origine grecque, comme Antibes, qui vient d’Antipolis, la ville d’en face, ou Nice, Nikaia, la victorieuse. En Normandie ce sont des toponymes d’origine scandinave, rappel de l’occupation de ces terres par les Vikings : tot désigne l’enclos où l’on bâtit les maisons comme à Yvetot, fleur désigne la baie, comme à Honfleur. En Bretagne ce sont bien évidemment les toponymes bretons, comme lan, l’église, loc, l’ermitage, plou, la paroisse, comme Plougastel, ou ker, l’exploitation agricole. Quant à l’Alsace ce sont les toponymes germaniques qui pullulent.

Armés de ces quelques notions vous voilà parés pour entrer en profondeur dans l’histoire de la France.

Thème(s) associés :

Par Thèmes