Comprendre le XXe siècle 10/11

3/ Retour vers le passé ?

La géopolitique actuelle ressemble beaucoup à celle du XIXe siècle. Les querelles du siècle dernier autour de la Guerre Froide et de la décolonisation semblent complètement dépassées, peut être pas pour toujours. Nous sommes de nouveau dans un monde multipolaire et multiscalaire, un monde sans prédominance d’aucune sorte, et où tous les pays ont un rôle à jouer. Il n’y a pas de super grands, et même la Chine et les États-Unis sont des colosses aux pieds fragiles, que cette fragilité réside dans leur démographie ou dans leur dette. L’Europe a encore tout son rôle à jouer. Le fait même qu’elle soit encore vivante, après tous les affres et désastres subit au long du siècle, témoigne de son incroyable force, et de sa grande capacité de vie. Quel pays, quel continent, aurait pu connaître ce que l’Europe a connu, sans être définitivement détruit ?

L’Europe semble aujourd’hui malade de sa démocratie, et de sa non démocratie en ce qui concerne l’attention portée au peuple. On n’écoute plus le peuple, on ne lui parle plus. Le peuple est le grand absent des discours politiques des années 2010, après avoir saturé les discours des décennies précédentes. La démocratie européenne est rejetée par bon nombre de pays non-européens, qui n’y voient pas un moyen de développement matériel. La Russie revient, avec ses hydrocarbures, et avec un discours polaire qui vivifie un air européen ranci de politiquement correct. L’Asie ignore superbement notre démocratie ; la Chine la première. Sauf que cette forme démocratique n’est pas la nôtre mais celle des États-Unis. Peut être qu’à notre tour nous allons aussi la rejeter, pour revenir aux formes politiques et sociales plus proches du modèle européen. Ce retour serait en fait un moyen de se nourrir aux racines de notre histoire pour aborder l’avenir. Le modèle wilsonien, inscrit dans les cartes, a disparu vingt ans après qu’il soit imposé aux États. Jamais traité n’a duré aussi peu. Nous sommes bien loin de Westphalie et de Vienne. Mais l’idée wilsonienne a elle duré tout au long du siècle, revivifiée par Roosevelt et la doctrine Truman, portée par la Guerre Froide et l’axe du mal. C’est cette idée qui aujourd’hui s’essouffle. Peut être pour revenir à la culture de l’autre Amérique, celle de la Confédération défaite, peut être pour revenir à la culture politique véritable de l’Europe. La construction bureaucratique européenne, qu’il faut distinguer de l’idée d’union européenne, fut un modèle imposé par les États-Unis. On voit comment celui-ci expulse aujourd’hui les peuples, et comment même il impose des mesures que les peuples rejettent massivement. C’est au peuple désormais de rejeter la bureaucratie bruxelloise. En faisant la révolution en 1848, le peuple crut prendre le pouvoir quand il le donne essentiellement aux bourgeois. Dans la révolution communiste, le peuple fut totalement jeté et expulsé, dénié et torturé. Et si finalement, ce qui attend l’Europe ce n’est pas cette fois-ci une vraie révolution, qui donne toute sa vraie place à un peuple vraiment libéré ? Rejeter mai 68 et février 1848 pour tenter un nouveau printemps de velours qui libérerait les peuples européens. On scrute le printemps des peuples dans les pays arabes, et s’il fallait l’attendre des pays d’Europe ?