Citoyenneté, question centrale

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jeudi 5 avril 2012

Citoyenneté, question centrale

La science politique paraît une discipline remisée ou oubliée. Peut être parce que trop complexe ou trop galvaudée. Le mot citoyenneté s’emploi à tout propos. Il faut être citoyen, avoir une attitude citoyenne. Dans une récente réunion de mairie une dame a proposé d’organiser une journée de nettoyage des berges de la Seine, réalisé par la population, et présenté comme un geste citoyen. C’est, sous couvert de civisme républicain, remettre à l’honneur les anciennes corvées, quand la population devait rénover les chemins et les murailles. Preuve que cette idée n’était peut être pas aussi stupide qu’il n’y paraît.

En proposant d’accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections locales, le Parti socialiste a provoqué un malaise chez les Français. Même si la réflexion du peuple sur la notion de citoyenneté et de vote est limitée, il a bien senti que l’on cherchait à l’entourlouper. La question de l’élection locale n’est qu’un prétexte. Si l’on brise la frontière entre citoyen et étranger, c’est à toutes les élections que ces derniers pourront voter. Les municipales ne sont qu’une première étape.

À Athènes ou à Rome, être citoyen a toujours été un honneur. S’était s’élever dans l’ordre social, appartenir à un groupe supérieur, atteindre une sorte d’aristocratie. Le citoyen a le droit de participer à la vie politique, le droit d’être élu, de diriger la cité. Il est aussi intégré à l’armée, ce qui est un grand honneur, et participe à l’entretien des routes. Le citoyen est grec, il est membre de la gens grecque. L’étranger a, quant à lui, plusieurs statuts, notamment celui de métèque. Le métèque est l’étranger qui réside de plein gré dans une cité et qui a un statut reconnu : il jouit de tous les droits civiques, mais n’a pas de droits politiques. Aristote, à Athènes, était un métèque, puisqu’il était Macédonien. Cela n’empêche pas qu’il soit aussi Grec.

Si la différence de statut, on pourrait même dire d’essence, entre le citoyen et l’étranger disparaît, si cette grâce particulière qui plane sur les nationaux, venait à se dissiper, et si tout un chacun pouvait être Français, sans effort et sans volonté, alors ce ne serait pas un apogée de l’universel (la diffusion de la citoyenneté française), mais la disparition d’un particulier (le corps français dissout dans un élément extérieur). Les citoyens ne seraient plus citoyens, cette marque d’estime et de valeur se retrouverait dissoute et désagrégée.

La manœuvre politique est d’ordre idéologique et électoraliste. Idéologique, car il s’agit d’en finir avec la nation, avec la souveraineté de la nation, avec l’indépendance d’un peuple et sa liberté. Électoraliste, car il s’agit de créer un corps de citoyens nouveau, votant majoritairement à gauche et assurant ainsi des victoires presque certaines. Couplée à la loi SRU, qui impose 20% de logements sociaux aux communes, l’extension de la citoyenneté serait la machine à gagner de la gauche. La loi SRU est le cheval de Troie politique, la citoyenneté étendue, l’armée des ombres cachée dans ce cheval. Les Français seraient alors un corps dissout, noyé dans la masse et systématiquement minoritaire, donc assuré de perdre et de ne plus avoir de représentativité électorale.

La France est un État-nation qui se dissout et se délite, du fait de l’arrivée massive et de la reproduction de communautés étrangères qui ne se sentent pas françaises, et qui n’aiment pas la France. La France devient un État multiethnique. Or, avec le système démocratique, qui accorde le pouvoir au nombre, les Français risquent, dans quelques années, de ne plus être majoritaires, c’est-à-dire de ne plus pouvoir gouverner et diriger leur pays. C’est d’ailleurs déjà le cas dans certaines villes. Nous ne savons pas encore à quoi ressemblera la démocratie dans un État multiethnique, car c’est pour nous une nouveauté. Avec l’extension du droit de citoyenneté, les étrangers ne seraient pas Français pour autant, alors que les Français deviendraient des étrangers chez eux. Accorder à tous la citoyenneté, c’est la retirer à tout le monde, et d’abord à ceux qui l’ont depuis l’origine.

Les peuples devraient être jaloux de leur liberté et de leur souveraineté, aussi jaloux que le loup de la fable qui refuse d’être gros et gras pour ne pas être attaché. Or la liberté ne semble plus être un horizon politique, une volonté constante des peuples. Peut être parce qu’à force de vivre dans une eau tiède on ne sent plus le froid venir.

C’est l’égalité qui est prônée, l’égalité de tous les hommes. Mais l’égalité ne s’oppose-t-elle pas à la liberté ? Vaste question. L’inégalité est chose naturelle, l’égalité contre nature. En voulant imposer une égalité à tout prix c’est la nature humaine que l’on risque de briser. Ce couple dialectique liberté/égalité s’affronte en France depuis la IIIe République. Les Français semblent persuadés qu’ils sont victimes d’inégalité, que c’est eux qui subissent, de la part des autres. Ce statut permanent de victime imaginaire contribue au malaise et à la grogne continue que l’on trouve dans le pays.

Autre question, celle de la démocratie elle-même. La démocratie consiste à donner le pouvoir à la majorité, mais la majorité a-t-elle forcément raison ? Qui peut faire la loi ? Le Parlement ? Et sur quelles bases ? Sur la recherche de la vérité et du bien commun ou sur la satisfaction des volontés de la majorité ? Les décisions courageuses, les visions d’avenir, ne sont jamais le fait du groupe mais d’hommes isolés. La masse a rarement raison, et c’est pourtant elle qui gouverne. Le pouvoir majoritaire pose un problème moral majeur. Nous nous sommes trop accommodés de la démocratie, sans nous demander si c’était bien le meilleur régime, et surtout celui qu’il nous fallait. L’origine de la loi, la reconnaissance de l’existence d’une loi morale naturelle, le rejet de l’autonomie qui établi le sujet comme source de la loi, sont les chemins vertueux d’une saine gestion politique qu’il est nécessaire de retrouver. Peu importe, finalement, la forme du régime, ce qui compte vraiment c’est son principe, ce sur quoi il est formé et ce sur quoi il tend ; ce qu’avait compris Léon XIII lorsqu’il demanda aux catholiques français de s’investir dans la politique de leur pays, et ce que beaucoup de monarchistes ont pris, à tort, pour un ralliement à la République.

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