Charles Cocks : Bordeaux et ses vins

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samedi 22 juin 2013

Bordeaux et ses vins

Les éditions Féret ont republié le fameux ouvrage de Charles Cocks, publié pour la première fois en France en 1850. Charles Cocks est un Anglais installé à Bordeaux en 1840. Il rédige un ouvrage, initialement paru en anglais et à Londres, à l’attention de ses compatriotes, afin de leur présenter la région bordelaise dans ses monuments et dans ses vignes.

Ce livre est à la fois un guide touristique, sorte d’ancêtre du guide Michelin, un guide œnologique, et un guide culinaire. Y sont présentés l’histoire de la ville de Bordeaux et les principaux monuments à visiter. Les crus de la région sont détaillés par ordre d’importance, le travail de la vigne est largement présenté. Pour l’historien, c’est un ouvrage précieux, car il permet de saisir ce qu’était la viticulture bordelaise dans la première moitié du XIXe siècle. Ainsi, le classement des vins que Charles Cocks établit en 1850 est quasiment identique, à deux crus près, à celui de 1855.

En revanche, les cépages, rouges surtout, ont beaucoup changé. L’auteur indique que l’on cultive une douzaine de cépages rouges dans le Médoc (p. 148). Parmi eux on trouve le cabernet et le sauvignon, le petit verdot et le malbec, dont l’auteur précise que ces cépages sont présents de façon exclusive dans les premiers crus. Parmi les cépages de moindre importance, Cocks mentionne le tarney, le merlot et six autres cépages. On voit qu’il y a beaucoup de changements par rapport à aujourd’hui. La plupart des cépages cités ont disparu. Le merlot est planté et vinifié dans le Médoc, alors que le malbec a quasiment disparu, tout comme le petit verdot (qui subsiste un peu dans la région de Blaye). Même le cabernet et le sauvignon ont subi des modifications pour donner les actuels cabernet-sauvignon et cabernet franc.

En revanche, les cépages blancs d’alors sont beaucoup plus proches de nos cépages actuels : l’auteur mentionne le sémillon et le sauvignon. Il mentionne aussi huit autres cépages qui ont disparu aujourd’hui. De même, Charles Cocks rapporte que le domaine Yquem ne cultive que du sauvignon : « Yquem doit sa supériorité principalement à la culture exclusive de ce cépage [le sauvignon] » (p. 152). Or aujourd’hui, la renommée d’Yquem est due au cépage sémillon, le sauvignon n’intervenant qu’à hauteur de 20% environ de l’assemblage. En un siècle il y a donc eu un renversement dans la culture des cépages.

Autre information intéressante de ce guide, par rapport aux changements intervenus sur les 150 dernières années, le coupage des vins de Médoc est officiellement reconnu.
« On emploie avec succès [les vins de palus, composés de verdot, malbec et merlot] pour couper et fortifier les vins faibles du Médoc ; mais depuis que l’Hermitage, le Roussillon et le Benicarlo abondent sur le marché de Bordeaux, les Queyries sont un peu délaissés par le commerce. » (p. 179-180).
Couper les Médoc aux vins colorés de palus, du Rhône ou du Roussillon, est donc chose connues et nécessaire, surtout les années où le temps n’a pas permis un murissement optimal des baies. Décidément, le Bordeaux d’aujourd’hui est bien différent de celui de 1850. Ce sont là des usages bons, loyaux et constants du Médoc qui n’ont pas été retenus par l’INAO et les AOC.

Si on s’intéresse aux permanences, et non plus seulement aux changements, on constate une grande stabilité dans les classements des vins et dans les mentions des domaines, quelle que soit les crus bordelais mentionnés. Les grands noms de la viticulture des années 1850 sont encore, peu ou prou, les mêmes qu’aujourd’hui : Château Margaux, Haut Brion, Yquem et Fargues en étant quelques exemples. Stabilité également dans les noms des grandes familles bordelaises mentionnées. Si de nouveaux acteurs sont intervenus depuis 1850 sur la place bordelaise, on trouve déjà référence des grands noms des Chartrons et des vignes.

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