Algérie : la prudence reste de mise

Vous êtes ici : Accueil > Articles > Algérie : la prudence reste de mise

mercredi 13 mars 2019

Les réactions en France à l’annonce du président Bouteflika sur sa renonciation à un cinquième mandat montrent que beaucoup n’ont pas compris ce qui se passait dans le monde arabe. Cela semble rejouer les printemps arabes de 2011, qui ont connu les succès que l’on sait. Comme si l’instauration de la démocratie était la baguette magique qui allait résoudre tous les problèmes.

En Algérie, la prudence reste de mise. Le clan Bouteflika a annoncé que celui-ci renonçait à se présenter, dans une formule audacieuse et menteuse : « Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi […] » alors même qu’il avait annoncé sa nouvelle candidature. Il ne se représente pas, mais les élections sont annulées et reportées sine die. Ce qui signifie que son mandat va se prolonger au-delà du 28 avril 2019, probablement jusqu’au début de l’année 2020, le temps que se réunisse la « Conférence nationale inclusive et indépendante » et qu’elle propose des modifications à la constitution. El Watan a raison de titrer « La dernière ruse de Bouteflika ». Dans une démocratie normale, ce sont d’autres candidats qui se seraient présentés et les élections auraient eu lieu.

Le FLN tient un pays exsangue

Tout reste donc encore en suspens en Algérie. Le Premier ministre a été changé et le clan Bouteflika espère avoir trouvé quelques mois de sursis pour négocier la passation de pouvoir. Nul ne sait ce qu’il va advenir de cette nouvelle constitution.

Il faut lire la lettre attribuée à Bouteflika, et notamment la rhétorique employée, pour comprendre l’idéologie politique du régime. À deux reprises il mentionne « les glorieux martyrs » qui sont les combattants FNL de la guerre de libération. Bouteflika s’inscrit pleinement dans cette histoire et dans cette filiation. On pourra trouver que c’est loin (1962), mais en France on se réfère sans cesse au « modèle social » établi en 1946, année que de moins en moins de Français ont connu.

La crise algérienne concerne directement la France. De très nombreux Algériens, ayant la citoyenneté française, ont manifesté dans les grandes villes et à Paris place de la République. Des cris de joie ont éclaté en France, ce qui montre qu’une partie de la population a le cœur davantage à Alger qu’à Paris. Et si cette jeunesse dont l’avenir en France est bouché saisissait cette occasion pour retourner en Algérie et développer le pays ? Et si la Conférence nationale était réellement « inclusive » et cherchait à inclure ces jeunes Algériens dans leur pays pour qu’ils bâtissent un nouveau chapitre de leur histoire ?

Il est à craindre que ce soit l’exact inverse qui se produise. L’Algérie est un pays ruiné. Les réserves de pétrole et de gaz sont déclinantes et la dette ne cesse de croître. Les infrastructures sont usées. Sur de nombreux chantiers, ce sont les Chinois qui travaillent et les Algériens qui sont au chômage. La démographie incontrôlée ruine toute croissance. La zone sud du Sahara échappe de plus en plus à Alger pour devenir le repère des djihadistes, obligeant l’armée française à y intervenir.

Est-ce que Paris a pris conscience du problème et a réfléchi à des plans de solutions ? À moins de rompre avec la rhétorique victimaire et larmoyante à l’égard de ce pays, il est à craindre la France subisse les événements

Article paru dans Contrepoints.

Thème(s) associés :

Par Thèmes