Tromperie sur les comptes publics

Vous êtes ici : Accueil > Articles > Tromperie sur les comptes publics

vendredi 7 décembre 2018

La révolte des gilets jaunes a un grand mérite : elle permet de lancer un grand débat public sur la fiscalité, le sens de l’impôt et les dépenses publiques.

Voulant se défendre, les partisans de l’Etat tentent de nous expliquer tout ce que l’Etat fait pour nous, et donc les raisons pour lesquelles nous devons être heureux d’être les champions du monde des prélèvements fiscaux.

Dernier en date, les décodeurs du Monde, qui nous explique, graphique à l’appui, que c’est gratuit, c’est l’Etat qui paie.

Source

C’est une très bonne idée de montrer le vrai prix des choses. Mais pourquoi distinguer payé par le citoyen et payé par l’État ? L’argent public n’existe pas. Quand l’État paye, c’est avec les sommes prélevées sur le citoyen via les impôts et les taxes. Si tout est gratuit, on se demande bien pourquoi nous payons autant d’impôts. Et si ce n’est pas le cas, alors les Decodex trompent plus qu’ils n’informent. D’où l’utilité de décoder les Decodex.

Pour être complet, il faudrait aussi faire un comparatif de ces prix. Alors, faisons-le.

Faire garder son enfant

514€ par mois pour une personne agréé pour un temps de garde moyen de 139 heures, soit 32 heures par semaine. L’État « paye » donc 319 € via des aides diverses (allocations et crédit d’impôt, etc.).

Imaginons que cela n’existe pas et que les parents confient leur enfant à une nourrice privée. Celle-ci pourrait s’occuper chez elle de sept enfants (en maternelle il y a en moyenne 19 élèves par classe). Pour un revenu de 2000 € hors charge, elle devrait donc faire payer environ 285 € par enfant. Avec une flat tax de 20%, il lui faudrait gagner 2600 € brut pour arriver à 2080 € net, soit un coût par enfant de 371 €. À quoi il faut rajouter les frais de bouche (repas), d’entretien (couches, etc.) et de fonctionnement (chauffage, électricité, etc.). En tout cas, nous sommes bien loin des 514 € mensuels.

Moins de charges sociales permettraient ainsi de développer davantage l’emploi à domicile, par exemple pour les gardes d’enfant.

La scolarité

Encore une fois le document explique que l’école est gratuite. Bien sûr. Comme chacun sait, les professeurs sont bénévoles et les bâtiments se construisent tout seuls. Si c’est gratuit, cela donne raison aux gilets jaunes : « On passe notre argent ? » Ce que le graphique oublie de dire c’est que dans le privé, un élève coûte deux fois moins cher que dans le public. Il pourrait aussi préciser qu’entre 1980 et 2017, les dépenses intérieures d’éducation ont augmenté de 108%, pour atteindre près de 155 milliards d’euros.

La santé, gratuite elle aussi

Vient ensuite la santé, elle aussi tellement gratuite que l’on en vient à se demander pourquoi nous payons tant d’impôt ?

3200 € en moyenne pour des frais d’hospitalisation et 485 € pour l’achat de médicaments. Selon la Drees, chaque personne dépense en moyenne 2977 € par an pour sa santé. Mais combien paye-t-on ?

Sur le salaire médian complet, soit 3220 € par mois, l’ensemble des cotisations de santé représente environ 1480 € (maternité, invalidité, santé, décès, CSG, etc.). Cela ne prend pas en compte la partie payée à la sécurité sociale pour la branche retraite. Si bien que deux mois de cotisation suffisent à couvrir les dépenses annuelles de santé. Les 15 000€ restant pourraient servir à payer une mutuelle ou bien à mettre de l’argent de côté en cas de grosses maladies (cancer, etc.).

Et la dette, c’est pour qui ?

Reste le cas de la SNCF, dont il est bon de savoir que l’on ne paye que la moitié du prix réel du billet. Pour les transports en commun francilien, c’est le tiers seulement. C’est-à-dire que le train coûte aussi cher qu’un vol européen et moins cher que la voiture. Surtout, le graphique ne mentionne pas le cas de la dette de la SNCF, 47 milliards d’euros tout de même, que le gouvernement s’est engagé à reprendre, c’est-à-dire à faire payer aux Français via l’impôt. À quoi s’ajoute le paiement des infrastructures et de l’entretien. Le coût réel du billet de train nationalisé est donc beaucoup plus cher.

À titre de comparaison, un Paris Rome avec Thello coûte 90 € et un Paris Bruxelles avec Thalys autour de 50 € (pour la classe standard, avec réservation à l’avance).

La SNCF n’est donc pas compétitive, en dépit de ses larges subventions reçues de l’État.

Thème(s) associés :

Par Thèmes