De l’économie et du vin

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lundi 20 mai 2013

Dans son ouvrage Cahors. Le roman du vin noir, Jean-Charles Chapuzet évoque l’histoire du vin de Cahors, des origines à nos jours.

Un certain nombre d’informations issues de ce livre permettent d’approcher avec grand intérêt l’histoire économique.

Page 67, l’auteur évoque les différentes taxes qui pèsent sur le vin au début du XIXe siècle. Les barriques partent de Cahors en direction de Bordeaux en naviguant sur le Lot, seuls grands axes de circulation. L’auteur détaille les différents impôts et taxes : acquit-à-caution, taxe pour mettre du vin chez autrui, droit de circulation pour vendre du vin à un particulier, droit de détail, droit de licence, pour ceux qui vendent sans être producteur, la décime de guerre, valable même en temps de paix, les octrois de navigation, les droits d’entrée en ville, comme Bordeaux ou Paris. On ne sait à combien s’élève l’ensemble des taxes une fois que tout est additionné. Mais l’on constate, d’une part que les taxes étaient plus importantes qu’aujourd’hui, alors même que l’État était moins présent, et d’autre part que cela entrave la circulation et donc la vente du vin. La conséquence en est que les populations du nord de la France ne peuvent pas boire du vin du sud, car celui-ci coûte trop cher. Donc elles boivent de la bière, ou bien des alcools forts, qui ont l’avantage, contrairement à la bière, de pouvoir être distillés chez soi. L’entrave à la circulation des vins a donc contribué au développement de l’alcoolisme chez les populations ouvrières du nord.

Deuxième élément, toujours page 67, les conséquences des mesures protectionnistes prises par Louis XVIII en 1821 et 1822. Sous la pression de l’industrie sidérurgique et sucrière, le roi augmente les droits de douane à l’entrée du royaume, afin de protéger l’industrie naissante. Outre que cela empêche les consommateurs français de s’approvisionner à moindres frais à l’étranger, les pays européens, en réplique face à ces mesures, décident d’augmenter les droits de douane du vin. Cahors, comme les autres vignobles, est ainsi pénalisé.
Les activités industrielles favorisées par le gouvernement ont aujourd’hui pratiquement disparu, quand le vin reste un des aiguillons du développement économique français.

Page 69, l’auteur décrit le Quercy au début du XIXe siècle. Il est un fait majeur dans la France d’alors, et complètement oublié aujourd’hui, c’est l’intense activité économique qui se déroule sur les rivières. Les routes étant peu carrossables, ce sont les rivières qui transportent la marchandise sur les longues distances. La France aménage des ports dans les villes intérieures, des canaux, des chemins de halage. Il y a là une activité intense de la batellerie qui a disparu avec l’apparition du chemin de fer. Quand on a bâti la ligne Bordeaux / Cahors, il n’était plus besoin de descendre le Lot en gabarre, d’autant que le train est plus rapide, plus sûr et moins onéreux. Ce sont toutes nos provinces qui ont été transformées par l’intrusion du train. Aujourd’hui ce sont les routes, autoroutes, nationales, départementales, qui ont fait disparaître les lignes secondaires. La France s’est beaucoup plus transformée qu’on ne l’imagine habituellement. La France de 1840 n’a rien à voir avec celle de 2010. Pourtant, seules 170 ans les séparent, soit 7 générations. En 1670, nous sommes plus proches de 1840 que de 1840 à aujourd’hui. Ces changements considérables sont source de mal-être. Les Français n’ont pas eu le temps de s’adapter aux temps nouveaux et aux époques nouvelles que tout était déjà transformé.

Choses amusantes quand on les observe avec le recul des siècles, les gouvernements de la Restauration et de la monarchie de Juillet ont beaucoup fait pour améliorer la navigation sur les cours d’eau, et notamment sur le Lot. Des sommes importantes sont allouées pour construire des écluses et des canaux. La loi du 30 janvier 1835 alloue 600 000 francs pour améliorer la navigation sur le Lot. La somme est reconductible chaque année. Ces efforts sont louables, mais avec l’avènement du chemin de fer ils se révèlent totalement inutiles. Etait-il possible, en 1835, de prévoir l’avènement du chemin de fer ? Pouvait-on allouer ces sommes au développement du réseau ferré plutôt qu’à l’amélioration du réseau fluvial ? La première ligne de chemin de fer en France date de 1830. Elle relie Saint-Étienne au Creusot. La première ligne de voyageurs date de 1837, elle relie la gare Saint-Lazare à la gare du Pecq. L’immense effort de modernisation de la batellerie est donc concomitant de la naissance du train. Avec un peu de clairvoyance, il aurait donc pu être possible de développer ce transport-ci, au détriment de l’autre.

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