Les rois à tables

Les Français n’ont pas attendu le classement de leur repas comme patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco pour savoir que la table joue un des rôles principaux dans leur culture et dans leur mode de vie. Il y a plusieurs façons d’analyser la table et les mœurs culinaires. On peut étudier la table canaille, celle des guinguettes et des bistrots, la table bourgeoise, celle des dîners en ville et des maîtresses de maison, ou bien la table de cour, celle des palais et des châteaux. C’est à cette dernière qu’est consacrée l’étude de Sandrine Krikorian.
Les rois à table est un extrait de sa thèse de doctorat. Il s’agit d’une étude de la gastronomie et des repas officiels de Louis XIII à Louis XVI par l’intermédiaire de l’iconographie. L’auteur insiste sur le fait que cette étude s’inscrit dans le cadre de l’histoire de l’art, même si d’autres disciplines sont conviées au festin de l’analyse sociologique.
Les documents iconographiques étudiés sont, pour l’essentiel, des gravures, des brochures, des plans de table et de repas, ainsi que quelques tableaux –mais ces derniers sont minoritaires. À travers eux c’est la compréhension des repas officiels et du service de la table qui s’expliquent à nous.

L’ouvrage est de facture classique : il étudie les coulisses des repas, les différents mets et aliments consommés, la façon dont ils sont préparés, puis la question de l’étiquette et des usages de la table à la cour. Cette contrainte de la représentation est bien évidemment importante puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de la monarchie absolue et de l’image construite de la royauté. Le repas, comme le rappelle l’auteur, est d’abord un moment de sociabilité, une façon de se montrer et d’observer les autres. Les coutumes et les usages de la table n’ont pas lieu d’être détournés ou oubliés, bien au contraire. Enfin une dernière partie est consacrée à la mise en table. L’apparat, la décoration des tables, des mets, des salles, tout cela entre dans le jeu du cérémonial royal et de l’image que les rois veulent donner d’eux-mêmes et de leur royaume.

Nous n’avons ici qu’une partie de la thèse, ce qui explique la brièveté de l’ouvrage, mais la connaissance de l’art de la table à la cour des rois de France est déjà une bonne introduction à leur grande politique.