Le vin et la mondialisation 2/2

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samedi 17 novembre 2012

Quelques réflexions sur le vin et la mondialisation, à partir de l’ouvrage sur La guerre des vins.

Le message d’hier était consacré à la présentation de l’ouvrage d’Aymeric Mantoux et Benoist Simmat sur la guerre des vins. Cela me conduit à faire plusieurs réflexions, sans chercher un fil conducteur précis, si ce n’est une réflexion sur la mondialisation et la culture, où le vin a une place éminente.

Premièrement, à la lecture de l’ouvrage on s’aperçoit que l’Europe est toujours le continent moteur du monde. Oui, il y a un réveil de l’Asie. Oui, les États-Unis sont la grande puissance mondiale, mais c’est toujours l’Europe qui est le cœur, le centre de la mondialisation. L’Asie, l’Amérique, l’Océanie veulent du vin. Ils sont attirés par le monde du vin, c’est-à-dire par un certain mode de vie européen. Ce ne sont pas les Européens qui diffusent chez eux du saké, ou qui se prennent de passion pour la cuisine traditionnelle des Aborigènes. Non, ce sont les Asiatiques qui veulent intégrer le monde du vin, donc le monde européen.
On constate aussi dans les pays asiatiques, en parallèle de la diffusion du vin, une diffusion du pain, et une augmentation de sa consommation, au détriment du riz. Là aussi, c’est la diffusion de la culture européenne. Or l’alimentation est extrêmement importante : on devient ce que l’on mange. Si on mange européen, on devient Européen. Ce qu’avaient d’ailleurs très bien compris les empereurs japonais du XVIIe siècle qui, pour protéger leur pays de l’inculturation européenne, avaient prohibé les aliments venus d’Europe, y compris le vin.

Deuxièmement, la mondialisation se joue principalement dans le domaine de la culture. Certes il y a l’économie, la finance, l’ingénierie, les progrès techniques, mais il y a surtout la culture. Cette guerre du vin, avant d’être une guerre commerciale et financière, est d’abord une guerre culturelle.
L’attrait du vin, c’est l’attrait du mode de vie, l’attrait de l’ambiance et du style qu’il véhicule : la façon de le déguster et de le boire, la vaisselle et la verrerie, liées au vin, les moments de partage et de convivialité, le culte du banquet. Tant d’éléments grecs qui se diffusent, comme un hellénisme contemporain.

Troisièmement, dans cette mondialisation en marche, la France a des cartes en main qui sont de puissants atouts. Les magnats mondiaux du vin sont essentiellement des Français : Bernard Magrez, Stéphane Derenoncourt, Jean-Michel Willmotte, Michel Rolland, sans oublier les chefs cuisiniers. Ces entrepreneurs se développent sans l’aide de l’État, sans subvention, avec même des contraintes importantes. Et ils réussissent. Ils sont de beaux exemples du savoir-faire industriel français.

Quatrièmement, le pouvoir culturel est très important. Il ne peut y avoir de puissance sans puissance culturelle. Celle-ci peut pallier une déficience militaire, économique, technique même. En revanche, aucune des autres puissances ne peut contrebalancer le manque de puissance dans le domaine de la culture. Et dans ce domaine-là, la France est encore la première. Les autres pays veulent copier la France, surtout dans le domaine du vin. Le vocabulaire du vin est français, les cépages sont français, dont le chenin qui est en train de devenir le grand blanc mondialisé, le terroir, concept si français, est en train de gagner l’ensemble des autres pays. Dans le domaine du vin, la France est l’horizon à atteindre, et à dépasser.

Cinquièmement, la mondialisation rapproche les hommes, les cultures, les modes de vie. En un sens, elle uniformise. Toutefois, il y a aussi des distinctions importantes qui se font. Les nouveaux pays du vin cherchent d’abord à atteindre un goût international, comme preuve de leur bon niveau, puis, dans un second temps, ils veulent développer un goût local, comme preuve de leur excellence. Il s’agit donc de faire des vins de terroir. La distinction entre vin de marque et vin de terroir, vin du Nouveau Monde et vin de l’Ancien Monde n’est plus de mise. Partout, c’est le terroir qui triomphe. Non pas le terroir cailloux, qui n’existe pas, qui est une invention de paysans pour faire monter le prix de leur terre, mais le terroir culture, qui allie recherche des meilleures parcelles, histoire du lieu et travail des hommes.
La mondialisation contribue donc à réaffirmer les identités, à les promouvoir, à les fortifier. La mondialisation, loin d’uniformiser les hommes, est la grande flamme qui ravive les identités des peuples. Or là aussi la France, pays à l’identité forte, puissante et lointaine, à de grands atouts devant elle.

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