Le génie chrétien de JL Harouel

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dimanche 6 janvier 2013

Le juriste Jean-Louis Harouel s’intéresse, dans son nouveau livre, au fondement du développement de l’Occident.
Pourquoi les pays occidentaux sont-ils économiquement et matériellement plus développés que les autres ? Les marxistes avaient répondu à cette question en expliquant que ce développement était le fait de la spoliation des pays du tiers-monde, via la colonisation. Cette explication ne tient pas, et de nombreux travaux, de Paul Bairoch à Jacques Marseille, ont fait litière de ces affirmations erronées.

Jean-Louis Harouel apporte une autre réponse à cette question, en situant la cause du développement non pas sur le plan matériel, mais intellectuel et spirituel. Pour lui, c’est le christianisme qui est la véritable raison du développement occidental. Et, dans le christianisme, l’idée-force, inédite et spécifique à cette religion, qu’est la laïcité, à savoir la disjonction entre le spirituel et le temporel. C’est parce que les chrétiens ont su équilibrer les rapports de force entre ces deux entités, ne permettant pas à l’État de s’approprier la fonction religieuse, et laissant la religion en dehors du cercle juridique étatique, que s’est créé un espace de liberté qui a donné les conditions favorables au développement technique et économique. Cette thèse, juste à bien des égards, montre aussi que tout développement humain repose d’abord sur des présupposés intellectuels et donc que, en conséquence, toute crise économique est la manifestation d’une crise spirituelle ou morale. C’est ainsi donner le primat de la culture et de l’esprit sur le matériel. Certains pourront ne pas être d’accord avec cette thèse, mais force est de constater que l’argumentation développée par Jean-Louis Harouel est structurée et cohérente.

Mais l’auteur va plus loin dans son analyse. Il montre comment le christianisme a dépassé la vision antique de l’homme en désacralisant le visible, en donnant un sens intelligible à la nature. Ce faisant, la nature n’étant plus un monde hostile, peuplé d’êtres farfelus ou invisibles, elle peut être contrôlée, mise en valeur, organisée et pensée. D’autre part, le christianisme a développé l’idée si essentielle de l’individu et de la liberté de la personne, lié à un groupe, mais possédant une autonomie propre par rapport à lui. La capacité personnelle, notamment de la femme, étant indispensable à l’activité créatrice et innovatrice. Le christianisme a ainsi permis aux hommes d’élaborer une véritable science, et de sortir de la magie et du superstitieux.
Le christianisme est donc un dualisme : il y a bien dualité entre le spirituel et le temporel, alors que les autres religions sont monistes, elles veulent absorber le temporel. De même, de nombreux régimes politiques, comme le socialisme, sont aussi des monismes, mais cette fois inversés, puisque c’est le temporel qui prend à sa charge le spirituel et qui veut l’incarner. Le monisme, qu’il soit étatique ou religieux, est destructeur de toute liberté, puisque l’espace de frottement et de rencontre propre au dualisme a disparu. Or la liberté est la condition indispensable et absolue du développement matériel et humain.

Jean-Louis Harouel fait ainsi remarquer à quel point les textes chrétiens sont vides de considérations juridiques, à l’inverse des textes juifs et islamiques. Le Christ refuse même catégoriquement d’intervenir dans les affaires temporelles des hommes, il rejette toutes les sollicitations que les peuples de Palestine peuvent lui faire en ce sens, laissant cela à l’appréciation de chaque homme et des lois humaines. Les Évangiles ne contenant aucune prescription juridique, les chrétiens ont dû élaborer leurs lois en se fondant sur la loi naturelle, reprenant ainsi les idées juridiques développées par les Romains.

Cette disjonction n’a pas été sans heurts. L’auteur revient sur certains moments où l’Église a pu avoir des tentations théocratiques, notamment en Orient, fortement influencé par la vision politique perse et par la divinisation du souverain. En Occident, ce sont les prétentions de pape comme Innocent III ou Boniface VIII qui ont pu vouloir bâtir une société théocratique, mais qui furent à chaque fois limité par les velléités indépendantes des souverains, notamment du roi de France.

À l’inverse, il existe aussi des tentations césaro-papistes dans le milieu politique. La Révolution française a cherché à établir sa propre religion, contrôlée et organisée par l’État. L’auteur montre très bien comment les régimes totalitaires, communisme et nazisme, se sont accaparé la religion, et se sont pensés comme des religions, reprenant à leur compte les pensées millénaristes et gnostiques des temps antiques. Le monisme messianique des sociétés contemporaines, notamment de l’idéologie républicaine, est à chaque fois une nouvelle attaque contre la laïcité.

La dernière partie du livre est consacrée au culte contemporain rendu aux droits de l’homme, nouvelle religiosité moniste de notre monde. Cette religion a ses normes, sa morale et sa coercition répressive. Elle a son millénarisme, qui s’épanche dans l’accueil sans condition de l’immigré, jusqu’à détruire les cultures du lieu. La non-discrimination devient un absolu, et les droits libertés passent au second plan derrière les droits à avoir ; les droits supplantent les devoirs, et la liberté est dévoyée de son sens véritable. La propriété privée devient une propriété publique, avec l’obligation de la rendre accessible à tous, la retirant par la même à ceux qui en sont les héritiers légitimes. À bien des égards, notre société actuelle est une perversion et un détournement des valeurs chrétiennes, ces valeurs devenues folles au point qu’elles sont utilisées pour se combattre elles-mêmes.

Cet essai est donc extrêmement stimulant, et ouvre de larges perspectives de réflexion sur notre histoire, et sur les moyens à mettre en œuvre pour poursuivre notre développement.

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