Le Grand Siècle en mémoire

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mercredi 28 décembre 2011

Dans l’esprit des Français, le Grand Siècle, le siècle de Louis XIV, le XVIIe siècle, reste comme l’âge d’or de la France. Est-ce parce qu’ils ont appris les fables de La Fontaine, étudiés les tragédies de Corneille et de Racine, goûtés aux portraits de La Rochefoucauld et de Boileau, vibrés aux sermons de Bossuet, marchés dans les jardins de Louis XIV ? C’est le moment qui paraît le plus glorieux, le plus illuminés de victoires. C’est aller un peu vite, car au siècle suivant, au XVIIIe, la France n’avait rien à envier. Et au XVIe, en dépit des guerres civiles, la France était aussi rayonnante, à tel point que Lucien Febvre a pu parler du « beau XVIe siècle ».

Mais c’est ainsi, le Grand Siècle est notre Siècle d’or, notre Siècle de Périclès, tant il est vrai que les artistes ont voulu renouer avec Athènes et rivaliser avec l’Espagne.

Il est alors heureux de saluer l’initiative de Thierry Sarmant, conservateur en chef du musée Carnavalet, qui a réuni des extraits de mémoires et de journaux personnels de cette époque. Même pour l’amoureux le plus passionné il n’est jamais évident de lire tout Saint-Simon (plusieurs dizaines de volumes), puis les centaines de pages des mémoires du cardinal de Retz ou toutes les lettres de Mme de Sévigné. Pourtant, rien de tel que de fréquenter les textes originaux pour connaître une époque, pour savourer la langue, pour comprendre comment les contemporains percevaient les événements. C’est pourquoi cette anthologie est-elle un bateau salutaire pour les amoureux de cette époque. Il est ainsi possible de retrouver les meilleures pages des auteurs les plus fameux, et d’autres un peu moins connus, et de redécouvrir des morceaux de bravoure du style français, et de la langue baroque du temps.

On peut ainsi relire avec jubilation les portraits que dresse le cardinal de Retz des protagonistes de la Fronde. On peut suivre les tribulations de la Cour, comme l’accident de voiture de l’archevêque de Reims, les disgrâces des principaux ministres, le labeur de Colbert. Dans ce siècle baroque et janséniste à la fois, on peut apprécier aussi la vision de la mort, à travers les recensions des morts de Colbert, de Seignelay, de Louvois, et bien sûr du roi.

Tout en étant une œuvre littéraire, cette anthologie a le mérite de faire entrer dans le métier d’historien en confrontant le lecteur aux textes originaux, à la pensée du temps, à la perception quotidienne des événements. C’est autre chose que l’histoire du Grand Siècle raconté, non pas meilleur, autre chose, différent. C’est pourquoi c’est une lecture à conseiller aux étudiants d’histoire, comme à ceux qui veulent comprendre comment pouvaient penser nos aïeux. On sera par exemple surpris, à travers la lettre de Mme de Sévigné, de découvrir que l’appréciation de la révocation de l’édit de Nantes a pu être différente de la vision que l’on nous en donne actuellement, ou bien, grâce aux mémoires de l’abbé de Choisy sur l’opération de la fistule, « la grande opération », que la chirurgie était bien sûr bien différente. Une maladie bénigne aujourd’hui devenait vite une grande affaire d’État.

Alors, même si le Grand Siècle n’est pas l’âge d’or de la France, ne perdons pas le plaisir de le parcourir à travers ses textes et grâce à ses écrivains.

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