La pensée classique face au paradigme relativiste

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mercredi 28 août 2019

Entretien avec Pierre de Lauzun auteur de Pour un grand retournement politique. Face aux impasses du paradigme actuel, Le Bien commun, 2019. Propos recueillis par Conflits.

Vous présentez deux paradigmes intellectuels qui s’opposent, et qui ont des conséquences politiques et sociales fortes : le paradigme classique et le paradigme relativiste. En quoi les deux s’opposent-ils et pourquoi le paradigme relativiste est-il dominant aujourd’hui ?

Le paradigme relativiste domine notre culture commune depuis trois siècles, mais n’a fait sentir que progressivement ses effets. C’est l’idée qu’il n’y a pas de vérité objective en matière morale, politique et sociale, et que chacun se détermine donc comme il l’entend. Dès lors la seule notion du bien que doit reconnaître la société est le droit de chacun à définir comme il l’entend ses valeurs et références sous réserve du droit équivalent du voisin – ce qu’on trouve pour la première fois clairement exprimée dans la Déclaration des Droits de l’homme de 1789. Il en résulte une lente dérive, qui ronge ces biens communs essentiels qu’à des degrés divers l’humanité avait repérés ou construits au cours de son histoire. Au stade actuel, cela se traduit par une radicalité et une emprise considérables, dont témoigne ce qu’on appelle le politiquement correct, une police de la pensée qui eût été impensable sous cette forme il y a cinquante ans. Mais échapper à l’emprise d’un paradigme dominant n’est pas simple. Un paradigme est un cadre qui structure et oriente toute la pensée collective d’une époque. Comme l’a montré Kuhn en matière scientifique, un paradigme n’est dépassé que lorsqu’un autre émerge du fait que le premier rencontre des difficultés insurmontables. Tant qu’on n’en est pas là, la pensée reste conditionnée par le paradigme précédent.

La pensée classique présente un cadre de pensée tout à fait différent et donc véritablement alternatif. Elle se fonde sur l’expérience des siècles, qui permet de dégager par la réflexion et l’usage une référence sûre pour la vie et l’action communes. Elle a été formalisée en politique notamment par Aristote, Cicéron puis Thomas d’Aquin et est toujours vivante depuis, inspirant à des degrés divers des penseurs comme Burke, MacIntyre ou Scruton, voire Tocqueville. Dans cette conception on trouve d’abord le sens de l’objectivité du bien et du vrai ; l’importance centrale de la personne, qui ne peut exister et se développer qu’au sein de communautés solidaires, grâce à une éducation humaniste, tournée vers le vrai et le bien. Un autre aspect important est la conscience que les sociétés sont des édifices complexes, construits au cours du temps et non à partir de théories édifiées a priori, impliquant l’interaction de très nombreuses personnes et qui se régit par des règles de vie dégagées au cours du temps et intériorisées. L’une des forces de la pensée classique, même dans un contexte hostile comme le nôtre, c’est qu’elle donne du recul. Ce qui aide à ne pas se perdre dans les méandres du débat politique au jour le jour, sans pour autant cesser d’espérer et d’agir.

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