La paix et la guerre

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mercredi 18 juillet 2012

Je publie ici une étude du livre 1812, faite par un de mes collègues.

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L’année 1812 fait partie de ces moments qui dépassent la petite histoire. Ppour tout le monde, c’est la marche sur Moscou, le terrible affrontement des titans près du petit village de Borodino, la ville aux cent clochers livrée aux flammes et l’effondrement dramatique de la retraite de Russie avec son cortège de drames et d’actes exemplaires. Au début de l’année Napoléon est au faîte de sa puissance, il domine l’Europe ; seule l’Angleterre ose lui résister, et la Russie paraît loin et repliée sur les frontières de l’Europe. En décembre l’Empereur a tout perdu : il est sur la défensive, il doit revenir en France où un coup d’État manque d’emporter son œuvre. Et bientôt il va falloir faire face à une nouvelle coalition ; cette fois-ci, l’Europe ne fera pas l’erreur de la division et marchera de concert contre lui, finissant par l’acculer à la reddition.

Dans 1812. La paix et la guerre, clin d’œil au fameux Guerre et paix de Léon Tolstoï, Jean-Joël Brégeon, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la Révolution, à l’Empire et à la Restauration, s’attache à nous présenter l’Europe sous un autre aspect que celui de l’épopée du titan. Et c’est l’Europe de la vie de tous les jours qui nous apparaît, loin du bruit de la guerre et des canons, même si cette dernière sert de toile de fond.
L’auteur construit son ouvrage en mêlant les démarches chronologique et thématique, dans douze chapitres, complétés par douze gros plans qui abordent des points caractéristiques et souvent oubliés de l’époque. Une bibliographie placée à la fin de chacun des chapitres, et qui n’oublie pas les références cinématographiques, permet au lecteur d’approfondir les différentes questions abordées. S’ajoute à cela une série d’annexes originales traitant des arts, des lettres, de la philosophie, et présentant des témoignages comme celui de Custine qui rencontre deux survivants de la retraite de Russie en 1842, ou le récit de la captivité d’Henri-Pierre Everts … Enfin, treize œuvres d’art « en prise sur l’année 1812 », accompagnées chacune d’une notice, nous éclairent sur l’esprit du temps.
Le « gros plan » accompagnant chaque chapitre éclaire une partie d’un problème ; dans le deuxième chapitre par exemple, nous voyons l’auteur disserter sur « L’esprit de la Prusse », et conclure sur le suicide du jeune Berndt Wilhelm Heinrich Kleist. La Prusse en 1812 est toujours convalescente de son échec militaire des années 1806-1807, elle est désormais placée sous surveillance par le système napoléonien qui installe des troupes et se donne un droit de regard sur la politique interne de l’État. Le chapitre présente rapidement et avec incision le relèvement du pays en insistant sur les idées et les personnages qui ont entraîné ces mutations. C’est l’apparition d’une nouvelle nation « plus solidaire, plus consciente de sa communauté de destin ». La galerie de portraits que nous livre l’auteur dévoile une riche palette de personnalités très intéressantes pour la formation de l’ « esprit prussien ». Nous voyons s’y côtoyer des grands décisionnaires tels Karl August von Hardenberg (1750-1822) et Karl Stein (1756-1831) ; des intellectuels qui prêtent leurs talents et leur verve, tels Wilhelm von Humboldt, frère aîné du célèbre géographe et explorateur de l’Amérique du Sud, Niebuhr, Fitche ; des militaires, les plus célèbres étant Clausewitz, Gneisenau et Scharnhorst. Le gros plan sur la triste fin d’Heinrich Kleist éclaire le lecteur sur une autre réalité de cette époque, la montée du romantisme, qui est une réaction face à la raison des Lumières. Qu’est-ce que un romantique ? Nous répondrons, en citant l’auteur, que le romantique est « un homme solitaire, incompris ou qui se croit tel, un être « inexprimable » comme le dira [Kleist] à sa demi-sœur Ulrike ».

1812. La paix et la guerre fait parti des ouvrages novateurs sur l’épopée napoléonienne. Et derrière le bruit des hommes qui s’affrontent avec furie, nous pouvons discerner un autre monde : celui du romantisme naissant, l’Europe des nations qui lentement se forge sur les cendres de l’ancien monde.

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