La guerre d’Irak cristallise notre avenir

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dimanche 14 septembre 2014

En Orient, la France renoue avec sa mission

Au moins depuis Saint-Louis, le Levant est une région où la France porte son cœur et son âme. Que ce soit au Liban ou en Syrie, la France a su tisser, au cours des siècles, des relations particulières avec les pays et avec les peuples qui y vivent. De même, que ce soit la monarchie catholique ou la république laïque, la Fille aînée de l’Église n’a cessé de défendre les chrétiens d’Orient, non sans arrière-pensée peut-être, mais avec une constance diplomatique qui l’honore. En Orient, la France a quelque chose à dire et un message à porter : celui du respect des minorités et des peuples, celui de l’harmonie entre les communautés. C’est à la fois un message idéaliste, parce que cherchant la paix, un bien toujours inatteignable, et un message réaliste, parce que l’Orient doit s’accommoder de ses diversités culturelles et religieuses.

La France oublieuse de l’Orient

Depuis quelques années la diplomatie française a opéré en Orient une rupture comme rarement cela s’était vu dans l’histoire. Bombardement, ou volonté de bombardement, de nos alliés. Attaques militaires menées sans réflexion d’envergure, contribuant à détruire les alliances et à créer les conditions d’un chaos effectif. Mépris et oublis des populations martyrisées, notamment des chrétiens d’Orient, qui sont ici chez eux et vivent sur leur terre depuis les origines. Alors que la France a toujours défendu une position d’indépendance et de souveraineté, on l’a vu se ranger derrière l’OTAN et se plier à ses injonctions, au mépris de sa tradition diplomatique. De même, quoi que l’on pense de Bachar Al Assad, il était tout de même l’invité d’honneur du 14 juillet 2008 et notre allié dans la région. Il fallut beaucoup d’aveuglement, et une adhésion sans réflexion à la diplomatie compassionnelle, pour soutenir les djihadistes, dont on découvre aujourd’hui avec effroi que plus d’un tiers viennent de France, qu’ils veulent établir un califat, et qu’ils massacrent les populations qui leur résistent. Le principe de réalité vient d’heurter de plein fouet une diplomatie qui s’était complu dans l’irénisme et le refus de voir le monde tel qu’il est. La France avait alors renié ses engagements et son histoire, s’approchant parfois du déshonneur et du parjure.

La guerre des deux France

Durant ce pluvieux été 2014, elle a renoué avec sa tradition, son histoire et sa mission. Le réveil n’est pas né du Quai d’Orsay ou d’un gouvernement dissout et effacé, mais des Français eux-mêmes. Ce sont ainsi des étudiants et des jeunes professionnels qui ont monté des associations pour venir en aide aux chrétiens d’Irak, qui ont récolté du matériel médical et de l’aide alimentaire, et qui ont été leur porter. Parmi ces associations, citons Fraternité en Irak et SOS Chrétiens d’Irak. Il leur fallut beaucoup de courage, et une dose d’inconscience, pour partir ainsi dans un pays en guerre pour aider ces populations. Sans que beaucoup s’en aperçoivent, le conflit en Irak est en train de cristalliser l’avenir de notre pays. Il y a ainsi des Français qui partent en Irak pour y porter les armes et pour combattre auprès des djihadistes, et il y a des Français qui y vont pour porter l’aide humanitaire et aider les populations opprimées. Ce fait n’est pas assez souligné. Aux portes de l’Europe, un conflit oppose les Français entre eux. Ceux qui viennent aider les réfugiés doivent affronter ceux qui les pourchassent. Ces Français ont peut-être vécu dans la même ville, ils ont peut-être fréquenté la même école, et aujourd’hui ils prennent des chemins d’engagement bien différents. Il y a ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, mais on a bien en France une partie de la population qui se reconnaît dans les djihadistes, et une autre partie qui vibre pour la liberté et la survie des chrétiens opprimés. Cette guerre du califat est la guerre d’Espagne de notre génération.

Elle est en train de structurer la matrice intellectuelle des décennies à venir. Ce qui se passe actuellement à la périphérie de l’Europe risque d’être porté en son centre dans les décennies à venir. C’est en tout cas l’idée-force exprimée par Mgr Emil Nona, évêque chaldéen de Mossoul, lors d’un entretien au journal italien l’Avvenire publiée le 12 août 2014. Dans cet entretien il dit notamment ceci :

"Dans le Coran, il y a des versets qui disent de tuer les chrétiens et tous les autres infidèles. Le mot ’infidèle’, dans l’islam, est un mot très fort : l’infidèle, pour l’islam, n’a pas de dignité, il n’a pas de droits. On peut faire n’importe quoi à un infidèle : le tuer, le réduire en esclavage. Tout ce que l’infidèle possède est, d’après l’islam, un droit pour le musulman. Ce n’est pas une idéologie nouvelle, c’est une idéologie fondée sur le Coran lui-même. Ces gens [les djihadistes] représentent la véritable conception de l’islam. (…) Ces gens ne croient pas au dialogue : ceux qui ne sont pas d’accord avec leur manière de penser, ils les tuent".

Et plus loin :

"Les responsables politiques occidentaux ne comprennent pas ce que signifie l’islam, ils pensent que ces gens ne constituent un danger que pour nos pays. Ce n’est pas le cas : ils sont un danger pour tout le monde, pour vous occidentaux encore plus que pour nous. Viendra un moment où vous serez obligés de vous repentir de cette politique que vous menez. Les limites que se fixent ces groupes, c’est le monde entier : leur objectif, c’est de convertir par l’épée et de massacrer tous les autres. (…) On peut les arrêter soit en leur faisant la guerre soit en découvrant où se trouvent les fonds qui financent ces groupes. Il faut repenser complètement la politique internationale". (Source)

On ne peut en effet que s’étonner que la France ait choisi de soutenir le camp du djihad, même de façon indirecte, et qu’elle n’intervienne pas davantage pour geler les avoirs qui financent le terrorisme. Tout obnubilée par sa guerre froide absurde avec la Russie et Vladimir Poutine, elle se détourne des véritables enjeux diplomatiques du moment.

Cet été vit aussi le retour de l’Église de France sur le terrain diplomatique. Fin juillet, le cardinal Barbarin, Mgr Dubost, évêque d’Évry, et Mgr Gollnisch, directeur général de l’œuvre d’Orient, se sont rendus en Irak pour rencontrer les populations souffrantes et leur apporter l’aide et le réconfort nécessaires. C’était une manière de renouer avec la tradition de la France, quand le politique refuse d’assumer son rôle et d’intervenir. Le cours de l’histoire a été remis à l’endroit : l’Orient est redevenu l’horizon de la diplomatie française. Mais le drame qui s’y joue n’est pas encore achevé. Reste à savoir quoi, de l’espérance de paix des populations ou des prophéties de guerre des analystes, triomphera dans les années qui viennent.

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