La chose du monde la moins instructive ?

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jeudi 10 septembre 2020

Un classique, c’est un ouvrage qui traverse le temps et qui permet à chaque génération de comprendre les invariants de l’homme. C’est pour cela qu’on lit encore les Grecs et les Latins, non pas tant pour savoir comment s’est déroulée la guerre du Péloponnèse ou la guerre des Gaules que pour toucher la profondeur humaine à travers ces cas. Dans La guerre du Péloponnèse, Thucydide exprime cette permanence de l’homme. Le prologue de l’ouvrage explique en quelques lignes ce qu’est une guerre et pourquoi elle se déclenche. Le dialogue des Méliens montre les limites du droit au regard de la force et comment cette dernière l’emporte sur le premier. L’éloge funèbre des morts d’Athènes nous aide à comprendre ce qu’est une nation et les raisons pour lesquelles les hommes sont capables de faire le sacrifice de leur vie pour la sauver. Dans ces pages de l’historien philosophe, c’est la nature humaine qui parle à travers la Grèce. Thucydide est très longtemps tombé en désuétude ; il ne figure même pas sur la fresque de Raphaël consacrée à l’école d’Athènes. On y trouve en revanche Xénophon, le continuateur de La Guerre après le décès de Thucydide et l’auteur du premier ouvrage d’économie. Il a fallu attendre le XVIIe siècle pour que le fils d’Oloros revienne à la mode, soit traduit en latin et lu dans les cours et les ambassades. Aujourd’hui c’est un auteur incontournable pour quiconque s’intéresse à la guerre, à la stratégie, à la géopolitique, à tel point que les éditions de l’École de guerre viennent de le rééditer.

Rousseau ne comprend pas la guerre

Rousseau a lu, mais n’a pas compris Thucydide. Voilà ce qu’il écrit dans L’Émile : « Thucydide est, à mon gré, le vrai modèle des historiens. Il rapporte les faits sans les juger ; mais il n’omet aucune des circonstances propres à nous en faire juger nous-mêmes. Il met tout ce qu’il raconte sous les yeux du lecteur ; loin de s’interposer entre les événements et les lecteurs, il se dérobe ; on ne croit plus lire, on croit voir. » Jusque-là tout va bien, c’est un juste hommage à la pensée et à l’écriture de Thucydide. La suite est malheureusement d’un autre acabit : « Malheureusement il parle toujours de guerre, et l’on ne voit presque dans ses récits que la chose du monde la moins instructive, savoir les combats. »

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