L’ambiguïté de la tolérance

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lundi 6 janvier 2014

Tolérance des idées, reconnaissance des erreurs

La Confédération des juristes catholiques de France a publié les actes de ses XXIVe (2010) et XXVe (2012) colloques nationaux dont les thèmes communs en sont la liberté d’expression et la liberté de religion. Comme toute publication d’actes de colloque, les interventions sont nombreuses et parfois sans lien direct entre elles, hormis le thème du colloque. Plutôt que de faire une recension générale de chacune des interventions, nous nous concentrerons sur quelques-unes d’entre elles qui nous paraissent tout particulièrement dignes d’intérêt.

La première est l’intervention faite par Chantal Delsol, ayant pour titre « De la tolérance à la reconnaissance ».
La philosophe explicite la notion de tolérance, qui porte en elle-même quelques confusions et malentendus. Elle explique qu’il existe deux notions de tolérance : une qui vise au respect des personnes et de leur croyance, qui est le sens chrétien de la tolérance, et une qui vise au respect des opinions d’autrui parce que nous ne sommes pas certains d’avoir raison, parce que nous estimons que la vérité n’existe pas ; c’est la tolérance selon la vision de John Locke.

Si la première définition est fondée sur la notion de vérité, sur la distinction du vrai et de l’erreur et sur le respect des personnes humaines qui peuvent se tromper, la deuxième définition est fondée au contraire sur l’absence de vérité et sur l’incertitude constante vis-à-vis de celle-ci. Il y a donc une dérive vers le relativisme. Cette vision-là de la tolérance repose sur l’agnosticisme et le triomphe de la pensée du relatif et du doute.

Pour le même terme, il y a donc deux visions contradictoires d’une notion qui semble pourtant identique.

Deuxième, l’auteur montre comment la tolérance est aujourd’hui mal vue, voire suspecte. En effet, elle est perçue comme étant du paternalisme, si bien que certains refusent ce concept. C’est le rejet de l’exclusivisme qui se fonde sur la peur de la vérité. La vérité est vue comme étant intolérante, donc elle est à rejeter. De plus, les minoritaires ne veulent plus être tolérés, mais légitimés. Ils ne veulent plus que leurs actes ou leurs pensées soient acceptés par respect des personnes, ce qu’ils prennent pour du paternalisme condescendant, mais parce que ceux-ci sont devenus légitimes. Ils veulent accéder au statut de la vérité, tout en rejetant l’existence de cette notion. L’appel à la tolérance devient ainsi intolérant. On tolère uniquement ce qui est conforme, l’anti conformisme n’est plus accepté. Or comme la vérité ne cesse de déranger et de distraire, la vérité est condamnée et moquée. De façon paradoxale, le tolérant contemporain en vient à être parfaitement intolérant.

Mais, troisième point de la démonstration, en récusant la tolérance on récuse la vérité. Or, la vérité est la source et la condition indispensable du progrès et du développement, notamment parce que la vérité est à la base de la science. En rejetant la vérité, les sociétés contemporaines se drapent alors dans un obscurcissement de leur pensée et de leur capacité de développement. Pensons à de nombreuses questions scientifiques où les débats et les réflexions ne peuvent pas avoir lieu (réchauffement climatique, OGM, énergie électrique), ce qui fait faire de grandes erreurs à des personnes se prétendant scientifiques.

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