Jacques Marseille : l’histoire optimiste

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jeudi 19 mars 2020

Quittons le coronavirus, le confinement et l’épidémie pour revenir au temps long de l’histoire. Il y a dix ans, en mars 2010, décédait Jacques Marseille, historien de l’économie qui a modifié l’approche de la connaissance et de l’étude des entreprises. Fils de cheminot, d’abord engagé au parti communiste, il a réalisé sa thèse sous la direction de Jean Bouvier, une des figures marxistes de l’université française.

Capitalisme et colonialisme : le divorce

Sa thèse portait sur les entreprises françaises dans la colonisation. Il s’agissait de démontrer, de façon scientifique, l’assertion de Lénine selon laquelle l’Europe s’était développée grâce à la colonisation. Assertion avancée déjà par Jules Ferry, qui justifiait la colonisation au nom du développement économique attendu pour les entreprises françaises. Après de nombreuses années passées à dépouiller les archives des entreprises liées au mouvement colonial, Jacques Marseille dû se rendre à l’évidence : Ferry comme Lénine avaient tort. Non seulement la colonisation n’avait pas contribué au développement des entreprises françaises, mais c’était l’exact inverse qui s’était opéré : elle avait été un boulet pour le développement économique et technique de la France. La colonisation n’avait assuré la survie que de quelques entreprises archaïques, protégées par un capitalisme de connivence et par des protections juridiques qui les mettaient à l’écart du monde. Elle fut « un débouché pour un capitalisme archaïque soucieux de retarder au maximum une restructuration imposée par l’évolution internationale. »

Sa thèse fut un séisme dans le camp marxiste, car elle détruisait l’un de leurs principaux discours. Elle était aussi, de façon non prévue, une justification des propos de Frédéric Bastiat et de François Guizot qui s’étaient toujours opposés à la colonisation au nom du fardeau économique que cela représentait. En somme, les raisons pour lesquelles de Gaulle avait quitté l’Algérie étaient ainsi justifiées. Publiée pour le grand public sous le titre Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce, elle est toujours la référence sur ce sujet. Après celle-ci, il quitta le camp communiste et se fit le défenseur des entreprises et d’une vision optimiste de l’histoire, ce que l’Université ne lui pardonna jamais.

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