Introduction

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vendredi 25 mars 2011

Découvrez l’introduction de l’Histoire du Vin et de l’Eglise.

Ouvrir une bouteille de vin, après en avoir amoureusement retiré la collerette sur le col et extrait le bouchon à l’aide de son ustensile préféré, y a-t-il plus grande aventure ? Pour en découvrir tous les bienfaits, le vin doit être connu et compris, car c’est le seul produit qui a la particularité de conjuguer universalisme et synthèse. Universalisme, parce que le vin est présent sur tous les continents, et que son langage, ses codes, peuvent être compris par toutes les cultures. Synthèse, parce que le vin, tout en étant mondial, est aussi le produit d’un lieu précis, d’une histoire unique, d’un vigneron, de conditions climatiques et géographiques qu’il prend tous ensemble, et que l’on nomme terroir.
Dès le début de son histoire le vin s’est ancré à la religion, tantôt pour en nourrir les divinités, tantôt pour rapprocher du ciel, mais c’est avec le christianisme qu’il a trouvé son amour et son expansion. Eglise et vin, voilà une association qui peut surprendre pourtant, depuis 2000 ans, ces deux créations de Dieu se mêlent et s’entremêlent dans un dialogue d’ivresse et de communion. Ivresse des hommes de la Bible, au premier chef le patriarche Noé, sauveur de l’humanité lors du déluge, mais grand buveur et premier ivrogne sitôt l’eau disparue ; ivresse des prophètes, Isaïe, Osée, Daniel, tant d’autres encore, qui ont associé le vin et Dieu, la vigne avec le peuple d’Israël.

De cette ivresse naquit une communion. Jésus, lors de son dernier repas, prend une coupe de vin et dit, cela est mon sang, cela sera toujours mon sang, réunissez-vous ensemble et le vin sera la présence visible de mon corps parmi vous. Le vin devenu sang de Dieu, il n’en fallait pas plus pour assurer à ce produit une postérité infinie et un développement perpétuel.

L’idée de ce livre est venue lors de dégustations organisées pour des professionnels. Lisant les étiquettes et les vins dégustés nous nous sommes aperçus que tous les vignobles, récents comme anciens, avaient une origine ecclésiale, c’est-à-dire que le domaine ou la région dont ils provenaient avaient été fondés par des évêques ou par des moines. Et c’est un fait, sans l’Eglise le vignoble français, européen et mondial, ne serait pas ce qu’il est. Le visage actuel de la planète des vins se façonne depuis deux millénaires, c’est un visage qui a été créé par l’Eglise. Et même si aujourd’hui les clercs n’ont plus de prise direct sur le vignoble ils continuent d’influencer sa destinée. La connaissance de l’histoire du vin a vraiment pris son essor avec les travaux pionniers du Professeur Roger Dion, qui en quelques livres magistraux, érudits et pédagogues, a découvert les origines du vin, et a ouvert les yeux à bien des historiens et chercheurs. Puis ce fut au tour de Marcel Lachiver, décédé en 2008, de reprendre le flambeau et de se livrer à une analyse serrée et détaillée des campagnes françaises, et notamment des vignerons. Aujourd’hui le champ de la connaissance reste encore à labourer, les fruits à vendanger sont incessants, mais la géographie historique française demeure en pointe sur le sujet, entre autre grâce aux travaux du Professeur Jean-Robert Pitte.

Quand on parle du vin généralement les gens sourient. Parce que le vin est associé au plaisir, à l’épicurisme, à la bonne chère. Tout cela est vrai mais le vin n’est pas que cela. Étudier le vin, c’est étudier les sciences, tant il faut de connaissances et de maîtrises techniques pour réaliser un grand cru. Etudier le vin, c’est étudier l’anthropologie, tant les comportements culinaires renseignent sur les façons de vivre. Etudier le vin, c’est étudier l’économie, car le vin est un produit que l’on doit vendre et qui répond aux règles du commerce. Etudier le vin, c’est étudier l’éducation, car on apprend à boire, pour être distingué et éviter la beuverie. Etudier le vin, c’est étudier l’art, tant cette boisson se retrouve dans les tableaux, les sculptures, la littérature, le cinéma. Etudier le vin, c’est étudier la culture, car il ne fut pas besoin d’attendre l’UNESCO pour savoir que le vin était un objet culturel. En bref, étudier le vin, c’est étudier l’homme ; connaître le vin, c’est connaître l’homme, car quand on boit un verre de vin on ne boit pas de la terre, on boit le génie de l’homme. Génie des moines de la Côte d’Or qui ont inventé les meilleurs climats pour donner les somptueux bourgognes que l’on déguste avec émotion de nos jours. Génie des bénédictins de Fulda qui ont maîtrisé la pourriture noble. Génie de Dom Pérignon qui a créé le champagne. Génie, tant de génies, auxquels chaque amateur de vin est redevable. Ce génie là il faut le montrer et le mettre à jour, ce génie là, il faut le faire connaître ; telle est l’ambition de ce livre. Pour le connaisseur, nous ne dirons peut-être rien de nouveau, notre objectif n’est pas là. Notre objectif est de rassembler de petites histoires éparpillées, de les synthétiser, et de montrer, à travers les siècles, les frontières et les Etats, le fil rouge, chaîne de fer viticole, qui unit depuis toujours l’Eglise et le vin. Beaucoup de livres d’histoire du vin ont évoqué cette union, mais de manière trop succincte et rapide, sans en montrer toutes les applications, sans en mettre à jour les fondements. Telle est l’ambition et la raison d’être de ce livre : faire prendre conscience d’une réalité indubitable, impossible à rejeter ou à nier, sans l’existence de l’Eglise, la planète des vins n’existerait pas. Tout amateur, tout buveur de vin lui est redevable d’au moins cela.

Une fois cela mis à jour encore faut-il le démontrer, et surtout l’expliquer. Le plan suivi est donc simple, il reprend le chemin logique de la raison. D’abord l’héritage. Dans quel contexte viticole l’Eglise est-elle née ? Dans quelles structures vinicoles son gène du vin s’est-il formé ? L’Eglise est l’héritière de la Grèce et de Rome, et c’est d’abord chez eux que le vin a acquis une dimension surnaturelle. Ensuite, la transmission. De la disparition politique de l’Empire romain à aujourd’hui quel fut le rôle de l’Eglise dans la création et le développement des vignobles ? Quelles inventions techniques et technologiques a-t-elle apportées ? Pourquoi peut-on dire que tous les vignobles sont des vignobles d’Eglise ? Enfin, la théologie, car il existe, dans le christianisme, une théologie du vin. Si la vigne est une plante qui a acquis une telle renommée dans la religion chrétienne, si le vin est une boisson aussi sacrée -à tel point que Dieu l’a choisie pour être son corps et que le Pape peut s’identifier à un vigneron- c’est parce que dans ses textes sacrés la vigne a une dimension qui dépasse les autres plantes. En définitive il y a bien sûr des raisons humaines, économiques, politiques, au développement et à l’essor de la vigne et du vin par l’Eglise, mais cela n’aurait jamais atteint un tel niveau s’il n’y avait eu, à l’origine, un fondement théologique et surnaturel.

Alors, comme à chaque fois que l’on ouvre une bouteille de vin, c’est un voyage géographique aussi bien qu’historique qui s’annonce. Puisse ce voyage être complété et approfondi par cette étude, afin qu’aux noms et aux appellations d’étiquette l’amateur ne mette pas seulement des arômes et des flaveurs, mais aussi une histoire et son histoire.

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