Entretien avec Julien Leclerq : Catholique débutant

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dimanche 18 février 2018

Athée militant, Julien Leclercq a découvert le Christ alors qu’il était étudiant. Après plusieurs années de cheminement, il est devenu catéchumène puis a été baptisé à presque 30 ans. Il raconte cette expérience et ses premiers pas de catholique débutant dans un livre témoignage qui situe la présence de la foi aujourd’hui.

Votre ouvrage est un témoignage sur votre rencontre avec le Christ, qui aboutit à votre conversion et à votre baptême. Quel était l’objectif recherché par un tel livre ?

Je cherchais d’abord à décomplexer les gens concernant la religion. Beaucoup de chrétiens n’osent pas dire qu’ils le sont où bien ne vivent pas publiquement leur foi, la reléguant dans la sphère privée. Pire encore, beaucoup refusent de se poser la question par peur du changement ou du regard d’autrui. Ce livre est aussi écrit pour mon frère. Toute ma vie, nous avons partagé ce qu’il y a de plus précieux et, pour l’instant, la religion ne l’intéresse pas. Je veux partager le trésor de l’Évangile avec lui et toute une génération freinée par les préjugés à l’encontre de l’Église. Enfin, l’idée de l’ouvrage m’est venue avec l’année de la Miséricorde proclamée par le pape François. J’ai compris qu’il me fallait témoigner de la miséricorde que j’avais reçue de Dieu en le rencontrant, alors même que je l’ai longtemps rejeté.

Être chrétien et être baptisé, qu’est-ce que cela a changé en vous ?

Comme l’écrit Thierry Bizot dans sa préface : rien, tout. Rien parce que mon caractère et mes goûts sont toujours les mêmes. J’ai les mêmes amis, les mêmes activités, le même goût pour la littérature du XIXe siècle. Tout, car mon regard sur les choses et la vie a été renouvelé. Chrétien, je suis désormais accompagné par le Christ, notamment lorsque la mort se présente à nous. J’évoque la terrible agonie puis la mort de ma grand-mère maternelle dans l’ouvrage. La foi m’a permis de comprendre que la mort n’était pas la fin de la vie et que la vie n’était pas absurde, qu’il y avait un amour plus fort que la mort, qui est le Christ.

Aujourd’hui, ma grand-mère paternelle vit le même calvaire. Cela reste éprouvant pour l’entourage, mais je vis cette douleur en tant que baptisé. Tout change. La foi est un exhausteur de goût : elle donne de la saveur au quotidien et nous permet de mieux l’apprécier, sans avoir à sombrer dans les paradis artificiels.

Vous revenez régulièrement sur les soirées que vous avez fréquentées et l’impression de vide qui s’est alors emparé de vous.

Frédéric Beigbeder est un écrivain pour qui j’ai beaucoup d’admiration et, ce faisant, je voulais vivre la même vie que lui. Sauf que les soirées parisiennes, l’alcool, la vie facile se révèlent rapidement vide et creux. Voyant ces gens ivres et abrutis en fin de soirée, j’ai compris que je préférais la vie de mon père. Je conserve une grande admiration pour le talent littéraire de Frédéric Beigbeder, mais, comme il le dit lui-même, le vrai rebelle, l’authentique homme heureux, c’est son frère, avec sa famille et ses enfants et, je cite, « sa religion éternelle ».

Comment avez-vous mené vos premiers pas de catholique débutant, notamment dans la façon de vivre votre foi dans la vie quotidienne ?

J’ai mis du temps à comprendre la beauté de la messe et à savoir l’apprécier réellement. Les catéchumènes sont très accompagnés jusqu’à leur baptême, mais ils sont ensuite un peu abandonnés et esseulés. C’est difficile de s’insérer dans une communauté de foi et dans la vie paroissiale. Je me suis senti proche des premiers chrétiens tels que les présentent les Actes des Apôtres. C’est d’ailleurs l’ouvrage du Nouveau Testament que je préfère.

Être chrétien a aussi changé mon regard sur le monde. Beaucoup de problèmes que notre société rencontre ont leur origine dans le manque de foi : le chômage et la paupérisation par manque de charité, la violence par refus de pardonner, la dépendance massive aux anxiolytiques parce que le vide spirituel provoque avant tout le mal-être. Les gens se prennent pour Dieu, ils fréquentent les temples numériques pour flatter leur narcissisme et se sentir aimés. Ils manquent d’amour et d’espérance et se prosternent devant les nouveaux Veaux d’or que sont les réseaux sociaux. Il est scientifiquement prouvé que ces applications sont conçues pour déclencher la dopamine dans notre cerveau (« l’hormone de la récompense »). Et bien me concernant, l’Église me procure la plus grande dopamine qui soit !

Qu’est-ce qui vous a permis de rencontrer le Christ ?

Indubitablement ma vie culturelle. Mon goût des livres, de la lecture, des grands auteurs. C’est pour les comprendre que j’ai commencé à lire la Bible en hypokhâgne, car la plupart des références religieuses m’échappaient. Une pesanteur sociale existe à l’encontre des collégiens qui aiment lire … Je l’ai bien connue. La télévision puis Internet ont accéléré cette « ringardisation » de la lecture, mais, hélas, sans vie culturelle, il ne peut pas y avoir de vie spirituelle. L’abandon de la lecture est un drame. Le refus de transmettre les grands auteurs est autant d’obstacles au développement d’une vie culturelle et donc d’une vie spirituelle.

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