En finir avec l’hypocrisie : supprimons le bac

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lundi 17 juin 2019

Arrive le mois de juin et le bac : les heures de cours supprimées pour permettre le déroulement des épreuves, les monceaux de copies à corriger, l’hypocrisie d’un examen qui se veut sélectif alors que le Ministère a tout intérêt à ce que le maximum de Terminales le réussisse. Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut augmenter le niveau du bac. Mais si on le fait, c’est plus d’élèves qui vont y échouer et alors qu’en fait-on ? Le coût d’un lycéen étant d’environ 12 000 euros, on comprend que le ministère soit pressé de les faire sortir du lycée pour les envoyer dans le supérieur, où beaucoup échoueront (près de 60% d’échec en licence).

La plupart des Terminales qui ont débuté leurs épreuves ce 17 juin savaient où ils iraient l’année prochaine, puisque l’admission dans le supérieur se fait via les résultats scolaires de Première et de Terminale. Et la réforme d’APB, rebaptisé Parcoursup, n’y changera rien. Le bac est indispensable pour aller dans le supérieur, mais il ne sert pas à sélectionner les élèves. Osons donc pousser la réforme jusqu’au bout en supprimant et le bac et Parcoursup. Les universités, les classes préparatoires et les écoles savent très bien sélectionner les lycéens, et nul besoin de ces machines à gaz.

En finir avec le mythe égalitariste

La seule justification du bac aujourd’hui est le maintien du mythe de l’égalité. On veut nous faire croire que tous les lycées se valent et qu’un bac obtenu en TS à Henri IV vaut un bac TS au lycée Robespierre. Mais qui croit encore à cette comédie ? Rappelons que si les sujets sont nationaux, les corrections sont académiques. C’est-à-dire qu’un recteur peut donner des indications (des ordres) pour que des copies issues d’un centre d’examen soient corrigées avec bienveillance ; c’est-à-dire avec démagogie. Proviseurs et professeurs en sont pleinement conscients. Comme me le disait un jour un proviseur : au prix que coûte un élève, mieux vaut qu’il aille échouer à la fac plutôt que chez nous. Les Grecs croyaient en leurs mythes, et les Français croient encore au mythe de l’État providence, de l’égalité et du bac. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes d’un pays qui se prétend cartésien.

Tous les lycées ne se valent pas et toutes les universités non plus. Pourquoi ne pas oser le dire et faire comme si personne ne savait qu’il y a des universités poubelles et des filières impasses ? Pourquoi mentir ? Ce n’est pas pour rien que les Terminales plébiscitent les filières sélectives : CPGE, BTS, DUT, etc. Ils ont compris qu’il n’y a pas d’avenir là où il n’y a pas de sélection. Il faudra bien un jour oser poser la question de la pertinence du maintien de certaines universités créées uniquement à des fins clientélistes ou à but d’aménagement du territoire. Pour justifier de leur existence, elles doivent ensuite remplir leurs classes et donc attirer de pauvres malheureux qui auront une licence, mais pas de travail, et qui en voudront ensuite à la société, étant à la fois victime et coupable du système scolaire.

En finir avec l’égalitarisme, c’est cesser de faire croire que tout le monde peut obtenir un bac général. Pour cela, il faut faire des filières professionnelles de véritables filières d’élite. Tout le monde est d’accord bien sûr ; sauf au moment où le conseil de classe annonce aux parents que leur enfant va y aller.

Toucher au bac et à l’admission dans le supérieur implique de repenser et de refonder l’ensemble du système scolaire. Si on supprime le mythe égalitaire au sommet, alors il faut aussi le supprimer à la base : c’est la fin de la carte scolaire, des ZEP et des affectations. Si on reconnait que tous les lycées ne se valent pas, comment justifier la carte scolaire, c’est-à-dire le fait d’envoyer des enfants dans des mauvais établissements ? Et comment justifier les ZEP, c’est-à-dire l’existence d’établissements sans issu ? Le mythe égalitaire est l’arc-boutant du système scolaire républicain et le bac sa clef de voute. On ne peut y toucher sans faire sombrer l’édifice.

Combler les trous

Jusqu’à quand ce système pourra-t-il tenir ? Les professeurs sont malheureux parce que déconsidérés. Ils subissent de plus en plus de violence, sans que l’administration ait les moyens d’agir. Nombreux sont ceux qui démissionnent, quand ils peuvent faire autre chose. La réforme Blanquer, qui n’est pas de lui, car préparée par le gouvernement précédent et dans les cartons quand il est arrivé, n’a pas d’autre finalité que de supprimer des postes, c’est-à-dire de boucher les trous des absences professorales. Elle essaye de faire croire que toutes les options se valent, et donc tous les établissements, alors que les options très demandées (mathématiques, histoire, etc.) ne seront pas dans tous les lycées et que certains établissements devront récupérer les options moins demandées, c’est-à-dire celles qui ne mènent nulle part. Tout en faisant croire que tout se vaut et que toutes les options sont égales. Mettons un terme à ces monuments d’hypocrisie et de mensonge en abattant l’idole égalitariste. Cela permettra aux élèves de trouver la place où ils sont le plus épanouis et aux professeurs d’être heureux dans leur profession. Là est le plus important.

Article publié dans Contrepoints.

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