Comprendre les Celtes

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samedi 9 août 2014

Un article de Bertrand Le Tourneau sur les Celtes.

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Les Celtes sont mal connus car on les associe bien souvent aux seuls Gaulois. C’est oublier que c’est un groupe humain complexe, varié, à l’histoire longue et tumultueuse.

Bertrand Le Tourneau, archéologue passionné par les Celtes, nous permet, dans son dernier ouvrage, de mieux comprendre les Celtes.

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Bertrand Le Tourneau Nouvelle Histoire des Celtes. T 1. De l’Altaï à l’Occident : des millénaires d’Histoire Éditions Baudelaire et librairie Daudin

Un point d’Histoire

Dans l’imaginaire collectif, la légende des Celtes et des Gaulois a pris le pas sur leur véritable histoire. Bien des poètes, bien des artistes ont forgé les mythes qui entourent ces deux peuples, confondant totalement leurs identités pourtant bien distinctes. Ainsi, l’on oublie souvent que les Celtes ne se réduisent pas aux Gaulois, qui n’en constituent qu’une infime part. Ils sont nés aux alentours de -8600, dans l’Altaï, aux frontières de l’Eurasie. Ils s’appellent Arimaspes (les « Cavaliers »), les Grecs les appelleront Celtes. Titans, Tartares et Dieux viennent prendre part à cette chronique complexe, mouvementée et colorée. Passionné et passionnant, Bertrand Le Tourneau a choisi de remonter jusqu’en -10000 pour nous conter la prodigieuse aventure du peuple celte.

Présentation de l’ouvrage

« Les Celtes ont-ils été le premier peuple européen ? » Selon les canons habituels, cette interrogation demeure en suspens. « Comment un peuple peut-il surgir de nulle part, et se trouver soudainement aux quatre coins de l’Europe » vers l’an -600, d’autant plus que « le celte est l’une des langues européennes les plus archaïques ? » En réalité, le fameux « mystère celte » de la critique est un mythe moderne. En effet, textes anciens et linguistique revisités sans idées préconçues et servis par une archéologie de terrain dynamique, permettent d’en saisir l’origine vers -8600, dans la chaîne de l’Altaï. Là commence l’Europe des Anciens, joyau de création celtique. Infatigables cavaliers, lanciers et porteurs de javelots, les Celtes dont les héros primordiaux, déifiés, s’inscrivent dans une généalogie royale en bonne et due forme, s’élancent à la conquête de l’ancien nouveau monde.

Extrait

« Le mystère celte » n’existe pas

Un ouvrage résume en trois points la quintessence du dilemme multiforme qui surgit à propos des Celtes. À leur sujet, et selon les canons habituels, l’interrogation fondamentale « ont-ils été le premier peuple européen ? », demeure en suspens. Bien entendu, il convient d’éliminer du discours toute référence habituelle à l’interprétation et à l’imagination qui ne sauraient s’insérer dans une saine démarche, et d’ôter toute consistance à un prétendu « mythe celte »1.

– Premier point : les fouilles archéologiques ne permettent pas toujours d’attribuer les vestiges découverts à un peuple donné, ni d’en connaître l’extension. « La recherche archéologique piège l’historien, en donnant une apparence de preuves concrètes. »

– Deuxième point. La fiabilité des sources étrangères ne semble pas incontestable : elles ne parlent pas des Celtes avant le VIe siècle. « Comment un peuple peut-il surgir de nulle part, et se trouver soudainement aux quatre coins de l’Europe ? »

– Troisième point : le celte est l’une des langues européennes les plus archaïques, ce qui incite à penser que ses locuteurs « devaient certainement peupler l’Europe dès l’époque de la préhistoire ».

Or, nulle entrave ne doit s’opposer à la recherche de la vérité, nul interdit ne saurait arrêter l’élan créateur : les singularités du mystère celte incitent à partir à la découverte d’un important corpus de faits cachés dans les entrailles des annales, de la mythologie, du terroir toponymique et archéologique, enfin de la linguistique.

Cette mise en garde rejoint celles qui déplorent que « les historiens [ont été] trompés par les linguistes »2. En outre, « “le berceau de la plupart des peuples est entouré de nuages qui se prêtent à toutes les origines fabuleuses, à toutes les traductions que, dans leur amour du merveilleux, les écrivains du Moyen-Âge ont accueillies avec un empressement que n’éclaira jamais la critique”. Ajoutons que les écrivains modernes se sont accommodés à leur tour de ces fictions avec un tel entrain, qu’au lieu d’égriser les erreurs du passé, ils les ont un peu obscurcies ; dégageons ces fictions, dissipons ces nuages. À la place de l’erreur, mettons la vérité. »3

Et encore : « L’irréalité d’une souche commune de langage naturel rejoint celui de la race : pas plus qu’il n’y eut d’Aryens blonds, il n’y a de concept linguistique indo-européen. »4. Pour couronner le tout, l’observation selon laquelle « la civilisation gauloise (sic) est antérieure à celle des Grecs »5, passe inaperçue ; particulièrement judicieuse, elle date pourtant de 1920. En tenir compte aurait permis d’éviter bien des tergiversations, et aux études celtiques de s’enliser. Un propos justifie notamment les reproches de « celtomanie » lancés par exemple à l’encontre de faiseurs antiques de listes artificielles de rois, et des « victimes de cette fraude », ce qui « a enrayé et déformé notre érudition, et même notre enseignement. »6. En définitive, le cadre général se trouve posé ; semé de multiples embûches clairement identifiées, le chemin exploratoire que nous nous proposons de parcourir, se trouve à présent convenablement balisé. Enfin, dédions trois autres avis autorisés aux adeptes inconditionnels du principe d’un ordre immuable des connaissances et d’un état statique de la science, ainsi qu’aux nostalgiques de vieilles croyances reçues par décrets, arrêtés aux XVIIIe et XIXe siècles. Ils émanent de deux historiens et d’un archéologue : « Ne dites pas que la Préhistoire n’est pas l’Histoire. »7 ; « Une tradition est de l’histoire, et non un mythe. »8 ; « Ne dites pas que l’écriture fait l’Histoire. »9.

1. Emmanuelle GRÜN : Silences et non-dits de l’histoire antique, 85-86, Yvelinédition, Montigny-le-Bretonneux, 2008. 2. Jean-Marie CORNET : Cours de logistoire, 1, préliminaires 4, Imp. de P.L.A.N., Romans, 1990. 3. Amédée BÉRETTA : Dictionnaire étymologique des peuples anciens du Dauphiné, des montagnes, cours d’eau, communes du département de la Drôme, 81, [s.n.], Valence, 1911. 4. Jean-Marie CORNET : Keltoï, 46, Éd. des Amis, Saint-Bardoux, 1988. 5. Georges DOTTIN : La langue gauloise, 6, Paris, 1920. 6. Camille JULLIAN : Histoire de la Gaule, T 1, 1032, note 1, Hachette, Paris, 1920-1926, rééd. 1993. 7. Fernand BRAUDEL, ibid. Préface de Jean GUILAINE et Pierre ROUILLARD, 11. Citent Fernand BRAUDEL, dans L’identité de la France. 8. James CHURCHWARD : Mû, le continent perdu, 198, Éd. Jáila, Paris, 1969 (nous ne sommes pas tenus d’adhérer à toutes les thèses de cet auteur). 9. Fernand BRAUDEL, ibid., 11. Opinion de Jean GUILAINE et Pierre ROUILLARD.

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