Vie de Machiavel

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vendredi 12 avril 2019

Machiavel, beaucoup en parlent, mais peu l’ont lu. Roberto Ridolfi ne s’est pas contenté de le lire, il a vécu avec l’auteur du Prince, explorant ses lettres et ses œuvres, analysant sa vie et celle de son temps. Né en 1899 et mort en 1991, Roberto Ridolfi a publié sa biographie de Machiavel pour la première fois en 1958. Puis elle fut régulièrement augmentée et améliorée, jusqu’à la version finale de 1978 qui est aujourd’hui proposée dans une nouvelle traduction française.

Né en 1469 à Florence, Nicolas Machiavel a été secrétaire de la république, diplomate, puis mis à l’écart de la cité et exilé au temps des Médicis. Il a vécu la politique tout autant qu’il l’a écrite, raison pour laquelle son œuvre est si dense et si forte. Si on connaît essentiellement Le Prince, paru après sa mort en 1532, il est aussi l’auteur du Discours sur la première décade de Tite-Live et d’une dizaine d’autres ouvrages politiques. Son œuvre majeure est celle de la Renaissance italienne et de la puissance des cités-États, qui ne cesse d’inspirer depuis lors de nombreux hommes politiques. Il est tout autant nécessaire de lire Machiavel que de le dénoncer, de tonner contre. Même sans l’avoir lu, il faut s’offusquer du machiavélisme du Prince et du cynisme de l’auteur. Ridolfi ne s’est pas contenté de le lire, il l’a vécu et il en restitue toute la vie et la puissance.

Machiavel est d’abord un homme profondément attaché à la république et désireux de défendre l’indépendance des cités italiennes contre les attaques étrangères, notamment celle de Madrid. Certes il manie les idées, mais son œuvre est d’abord inscrite dans une réalité et une nécessité : la lutte pour une Italie indépendante.

Machiavel est un esprit éclectique, serviteur de l’État et auteur d’œuvres politiques, mais aussi de pièces de fiction, comme la comédie La Mandragore. C’est un érudit issu de la bonne bourgeoisie florentine, qui se lamente sur la mainmise des Médicis et regrette le temps de l’indépendance de la ville de Florence. Machiavel est loin d’être un machiavélique. Si le politique peut être amoral au nom de la raison d’État, l’individu doit lui se montrer vertueux : être un bon mari et un bon père de famille et capable de gérer ses affaires convenablement. L’amoralité n’est pas l’immoralité et Machiavel fixe des limites nettes au pouvoir du Prince. Il doit viser le bien de la cité et garder en tête l’intérêt de ses citoyens. Il y a une certaine ascèse de la politique, à l’image d’un Caton et d’un Cicéron. Machiavel replonge sa pensée dans les auteurs antiques, qui ont tout inventé et qui ont déjà parlé de tout. De ces géants, il sort une œuvre originale et tout aussi grandiose, à la fois réflexion sur son époque et intemporelle. Le Prince doit avoir deux qualités : la fortuna et la virtù, la chance, toujours nécessaires et la force d’âme, qui permet d’affronter les situations les plus compliquées. Machiavel a passé une partie de sa vie en exil, loin de Florence et loin de la cour qu’il a fréquentée et de la cité qu’il a défendue. Sa vie recèle une part d’échec et c’est grâce à ses livres qu’il est passé à la postérité. Preuve que les mots et les idées peuvent l’emporter sur les gestes.

Bien écrite, largement documentée, analysant tout autant la personne Machiavel que le contexte florentin de son époque, cette biographie est une référence tant historique qu’intellectuelle. Elle permet de dépasser les médisances et de découvrir le véritable auteur du Prince.

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