Roland Hureaux, La France et l’OTAN en Syrie. Le grand fourvoiement

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samedi 16 mars 2019

Huit ans après le début de son déclenchement, le conflit syrien est sur le point de se clore. La Syrie est désormais un pays ravagé, avec près de 350 000 morts et des millions de Syriens qui ont quitté le pays pour rejoindre l’Europe, le Liban ou la Turquie. À cela s’ajoutent les blessés, les amputés, les dégâts immenses des villes comme Alep, Mossoul, Palmyre et même Damas. Huit ans de guerre dont le peuple syrien fut le grand perdant et l’Europe, dont la France, le grand vaincu. La Syrie est le lieu du fourvoiement de l’Europe et de la politique otanienne, ayant contribué à déclencher cette guerre, à la faire durer, à s’y enliser et à finalement la perdre. L’historien et essayiste Roland Hureaux vient de publier une remarquable synthèse de cette guerre, La France et l’OTAN en Syrie. Le grand fourvoiement qui analyse l’action de l’Europe et l’aveuglement de l’OTAN dans ce conflit qui est un drame pour l’Europe.

Lorsque des émeutes éclatent dans l’est du pays en mars 2011, les observateurs y voient la continuité des printemps arabes qui sont en train de secouer la région. Enfin, pense-t-on dans les chancelleries, les dictateurs vont tomber et la démocratie va surgir. Cet aveuglement a conduit à de nombreuses impasses. D’abord, croire que Bachar el-Assad allait être renverser. C’était ne pas comprendre la structuration de la Syrie et le poids des Alaouites dans la direction de l’État. Ensuite, soutenir les groupes nommés « rebelles modérés » alors que c’était des islamistes. L’Europe les a soutenus et leur a fourni des armes, alors même qu’ils nous combattaient chez nous via les attentats. Enfin il y a la question migratoire, dont la grande vague a été déclenchée en 2015, provoquée et amplifiée par la Turquie, qui s’est servie de ces malheureux migrants comme d’un instrument de pression pour obtenir des compensations en Europe.

L’Occident perdu

L’Occident a cherché à faire croire qu’Assad avait utilisé des armes chimiques afin de justifier une intervention militaire pour le renverser, ce qui n’était pas vrai. En dépit de la propagande et des faux documents cherchant à lui attribuer la responsabilité des gazages, les faits ont toujours été démentis. La France était pourtant bien décidée à intervenir en septembre 2013, mais Obama s’est rétracté au dernier moment, lâchant son allié. La victoire de Donald Trump a aussi changé la donne. Si Hillary Clinton l’avait emporté, elle serait partie en guerre contre la Syrie, risquant un choc frontal avec la Russie. Pour la forme, pour ne pas perdre la face et pour contenter l’appareil militaire américain, Trump a bombardé quelques hangars vides et zones désertiques. Mais en sous-main, il a pu éviter un élargissement de la guerre.

Au Proche-Orient, les Russes sortent grand vainqueur et renforcent leur présence en Syrie. Eux ont soutenu leur allié et ne l’ont pas abandonné. C’est un énième échec de l’OTAN, après les Balkans, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye. De quoi donner des ailes à la Chine et à la Russie et discréditer le rôle des États satellites que sont devenus les États européens. Un siècle après les accords Sykes-Picot qui ont tracé les lignes d’influence entre Anglais et Français en Syrie et en Irak, il semble que les lignes du désert se soient effacées pour ces deux pays. Le grand fourvoiement syrien témoigne de l’impuissance de l’Europe à conduire une diplomatie réaliste qui réponde à ses intérêts.

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