Réflexions sur la question des crèches

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mardi 12 avril 2011

Les enfants sont la joie et le fléau des mairies. Joie, car cela en est toujours une que de voir naître des enfants, surtout durant l’hiver démographique que connaît l’Europe. Fléau, car les enfants consomment de nombreux services publics, et coûtent chers aux finances municipales. En France, les crèches sont du ressort des mairies, comme pour les écoles primaires. Les collèges dépendent du département, les lycées de la région, et les universités de l’Etat. Créer des crèches est indispensable, car c’est un moyen pour permettre aux femmes qui le souhaitent de travailler, et donc d’aider à soutenir le taux de natalité.
Du fait du nombre important de naissance il y a une grande demande de places en crèche, souvent déçue car la demande est plus forte que l’offre. Trouver une place est donc un casse tête pour les parents, qui débutent leur démarche avant même que l’enfant ne soit né. Ceux qui ont la chance d’avoir des grands-parents à proximité s’évitent de tels problèmes. Les liens familiaux sont encore la meilleure solution aux problèmes sociaux. Quand l’Etat intervient c’est souvent pour pallier le manque de cohésion et de solidité des familles ; pour pallier au manque de moral.

Prenons une commune de18 000 habitants de la région Ile-de-France. Peu importe son nom, nommons-là Limerick-sur-Seine. En 1995, avec 92 places en crèche, cette commune avait des places en trop. En 2005, avec 105 places, elle en manquait. Il lui a donc fallu construire d’autres crèches et agrandir les existantes pour faire face à une moyenne de 100 naissances par an.
Le problème des crèches, c’est qu’elles ne répondent pas au besoin présent mais espèrent convenir aux demandes futures. Entre le moment où le dossier est validé et celui où la crèche peut ouvrir il s’écoule au minimum deux ans, mais cela peut aussi être beaucoup plus long. Les parents qui ont besoin de place ne peuvent donc pas être satisfaits par la construction, et rien ne laisse prévoir que lorsque la crèche ouvre elle corresponde au besoin effectif deux ans plus tard. Si la natalité cesse la crèche reste vide. Ce système de construction manque donc terriblement de souplesse et de réactivité.

De plus une crèche est coûteuse : 1.8 millions d’euros pour la construction et 200 000 euros de frais de fonctionnement, pour une crèche de 60 berceaux. C’est là que se pose, pour les élus, un problème moral. Peut-on débourser deux millions d’euros pour satisfaire 60 familles au dépend des 18 000 habitants ? Les dépenses liées à la construction de la crèche sont assurées par les impôts, payés collectivement par l’ensemble de la population. L’impôt doit être une mutualisation : les citoyens mettent en commun une partie de leurs ressources pour que celles-ci soient utilisées au bénéfice de tous. Dans le cas de la crèche –comme pour de nombreux autres projets- il n’y a pas mutualisation mais privatisation : l’argent commun sert les intérêts particuliers de quelques uns. Est-il moral d’augmenter les impôts locaux pour toute une population afin de financer des dépenses qui ne bénéficient qu’à une infime partie des administrés ? Dans le cas d’une crèche de 60 berceaux le bénéfice est pour 180 personnes (les enfants et les parents), soit 1% d’une commune de 18 000 habitants. Et cela pour un système qui ne convient même pas aux destinataires car il manque de souplesse.

Est-il possible de mieux faire ? En introduisant une dose de liberté, peut-être. Si au lieu de construire une crèche la commune décidait de verser le budget fonctionnement aux familles pour que celles-ci placent leur enfant chez une nourrice on gagnerait en fluidité. 200 000 euros pour 60 enfants cela représente 3 333 euros/an et par enfant. En introduisant le chèque scolaire cette somme, 277 euros mensuel, pourrait être donnée aux familles. L’enfant serait ensuite placé chez une nourrice qui, avec 6 enfants, recevrait un salaire mensuel brut de 1 666 euros, quand le salaire moyen d’une puéricultrice est de 1400 euros.
Le chèque scolaire a d’énormes avantages : il est opérationnel de suite, il est fortement modulable en fonction de la demande, il ne nécessite pas de dépenses d’investissement. Pour les parents mieux vaut aussi mettre leur enfant chez une nourrice qu’en crèche : les horaires sont plus souples, l’appartement est à taille humaine, la sociabilisation est plus grande. Beaucoup de parents, qui travaillent tard, placent d’ailleurs leur progéniture chez une nourrice, après la crèche, quand celle-ci a fermé.
Les 1.8 millions d’euros de construction économisés équivalent le coût de 5 400 chèques scolaires, soit 90 crèches. Avec cette somme on peut fournir des chèques scolaires à 540 enfants pendant 10 ans, ou bien à 270 enfants pendant 20 ans. A chaque fois le résultat est le même : souplesse et économie. Sans compter qu’une crèche s’use vite, et qu’après la construction viennent les travaux d’entretien et de réfection, qui là aussi pèse lourd dans le budget communal.

Il n’est donc pas nécessaire de viser les plus hauts sommets de l’Etat pour parvenir à changer la société. Cette action peut se mener au niveau communal, dans les plus de 36 000 communes que compte la France. Le chèque scolaire est un outil simple, efficace, économe. Mais visiblement ces arguments ne pèsent pas face à l’idéologie de l’étatisme.

Article paru dans la revue Contrepoints.

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