Questions / Réponses sur l’école

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lundi 27 février 2017

Un étudiant en école de journalisme m’a posé quelques questions sur l’école pour préparer l’un de ses devoirs. Je mets ici ses questions et mes réponses, qui peuvent intéresser tout le monde.

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Du primaire à l’enseignement supérieur, on dirait que rien ne va plus à l’école française... D’où vient principalement ce malaise ?

Trois difficultés se présentent pour l’école française :

1/ les résultats ne cessent de baisser (en témoigne, entre autres, les classements Pisa et les tests JDC)

2/ L’Éducation nationale n’arrive plus à recruter des professeurs et les départs s’intensifient

3/ La population n’a plus confiance dans le système scolaire : baisse des inscriptions dans le public accroissement des inscriptions dans le privé.

Depuis l’élection de François Hollande, diriez-vous que l’école française va mieux, ou moins bien ?

La dégradation a continué, mais le gouvernement Hollande n’en ait pas le seul responsable. Il y a la réforme des rythmes scolaires, très couteuse pour les mairies et inutile pour les élèves, et celle du collège, qui a détruit une partie de ce qui fonctionnait bien.

La crise de confiance des Français envers l’école a continué de se développer. Les résultats scolaires poursuivent leur baisse. Mais le gouvernement Hollande n’est pas le responsable de tout cela : les causes du mal sont antérieures. Disons que le quinquennat Hollande n’a rien fait qui aurait pu endiguer la chute.

Les syndicats l’assurent : il n’y a pas de problème de moyens financiers. Vous pensez également que c’est le cas ?

Bien sûr. Les dépenses éducatives sont le premier poste de dépenses de l’État. Les dépenses intérieures d’éducation (ce que dépensent tous les acteurs publics pour l’école – État, communes, départements…) étaient de 74.4 Mds€ en 1980. Elles sont aujourd’hui de 146 Mds€.

En 1980, un écolier coutait 3 080€ par an, en 2014, 6 050€. Pour un lycéen, le coût est passé de 7 700€ en 1990 à 11 190€ en 2014.

Des dépenses en hausse alors que les effectifs sont en baisse et que les résultats baissent eux aussi.

Les enseignants français sont-ils au niveau ou sont-ils mal formés ?

Ils sont globalement bien formés. On trouve d’excellents professeurs à l’école. Le problème est qu’on leur retire leur marge d’autonomie. Ils ne peuvent pas librement utiliser des méthodes pédagogiques qui fonctionnent si ces méthodes ne sont pas acceptées par le Ministère (cf Céline Alvarez).

Faut-il revoir nos méthodes d’enseignement, pour nous inspirer par exemple de systèmes étrangers ?

Pourquoi pas. Tout ce qui est bon ailleurs peut être bon pour nous, je pense notamment à la méthode de Singapour pour enseigner les mathématiques au primaire.
Mais nous avons en France une très riche tradition éducative et nous disposons d’un fond pédagogique très important. Nous avons tout ce qu’il faut pour bien enseigner. Ce qu’il faut désormais, c’est l’appliquer.

L’école devrait-elle être plus proche du monde réel, par exemple de l’entreprise ?

J’ignore ce que l’on sous-entend quand on dit qu’il faut rapprocher l’école de l’entreprise. L’école, du primaire au lycée, n’est pas l’université ou une école supérieure. Il y a le cas des lycées professionnels, très tournés vers les entreprises. Pour le reste, l’école apprend des savoirs intangibles, des fondamentaux qui seront encore en vigueur dans quarante à cinquante ans.

L’entreprise est toujours située sur le temps court, elle n’est pas le temps de l’école et de la transmission des savoirs. On veut apprendre le code informatique aux élèves de 6e. Pourquoi pas. Mais au rythme où se développe l’informatique, ce qu’ils apprendront en 6e sera obsolète quand ils seront en Terminale. L’école ne devrait pas apprendre des savoirs périssables, qui ne durent qu’un an ou deux.

Que pensez-vous du fait que de plus en plus de parents inscrivent leurs enfants en école privée ?

Ils font usage de leur liberté. L’éducation est du ressort des parents, pas de l’État. Les parents ont le droit de choisir l’école de leurs enfants. Cela montre que les Français sont attachés à la liberté scolaire. Cette liberté doit être défendue et non pas restreinte.

L’école à la maison connaît aussi un gain de popularité. Pensez-vous que c’est une bonne alternative ?

Dans certains cas oui, si les parents savent si prendre. Ce n’est pas la solution unique, c’est une possibilité parmi d’autres. Cela dépend aussi de l’âge de l’enfant. Tous les enfants que je connais qui ont eu l’école à la maison sont bien formés et sont très sociables. C’est là l’essentiel.

Le système français, très inégalitaire, plombe-t-il les résultats des élèves ? Avec d’un côté une élite qui excelle et de l’autre un nombre croissant d’élèves qui accumulent les difficultés.

Ce qui plombe les résultats des élèves c’est que l’on applique partout et à tous les mêmes méthodes pédagogiques. Les enfants sont différents, pourquoi la pédagogie serait-elle identique pour tous ? Pourquoi vouloir leur faire prendre le même chemin, au même rythme et en suivant le même pas ?

Il faut libérer la pédagogie, libérer les parcours scolaires, pour permettre à chaque enfant de s’épanouir réellement et non pas de subir.

Dans votre livre, vous dénoncez le monopole scolaire de l’État. À quoi ressemblerait votre école idéale, libérée de ce monopole ?

Il faut distinguer deux choses : le financement de l’école et son fonctionnement.

L’école est un bien commun, car des enfants bien formés sont utiles à toute la société. Il est donc légitime que la collectivité finance l’éducation, du primaire au lycée.
En revanche, le fonctionnement doit être libre et indépendant. Chaque école doit pouvoir proposer sa pédagogie et son rythme d’avancée. Ensuite, il y a les examens du bac, l’entrée dans le supérieur, qui oblige à bien former.

Le modèle que j’appelle de mes vœux est un système scolaire où chaque établissement est libre de son recrutement et de sa pédagogie, où l’on reconnaisse l’autonomie des professeurs. L’État peut fixer un cadre général des programmes, pour que chaque établissement ait une partie en commun.

Les parents choisissent ensuite librement l’école de leurs enfants. Les mauvaises écoles n’auront pas d’inscription et devront fermer.

L’école est financée par la collectivité, par l’argent commun, via des systèmes qui existent dans d’autres pays et qui peuvent facilement être mis en place : chèque éducation, crédit d’impôt, contrat de charte avec les établissements…

Le crédit d’impôt à ma préférence, car c’est aujourd’hui le plus simple à mettre en place. Les parents payent la scolarité et celle-ci est dégrevée de leurs impôts ou remboursée aux parents, à hauteur d’un plafond (on peut fixer ce plafond à 7 500€ pour un lycéen).

Quelles devraient être les premières réformes / mesures du futur (ou de la future) ministre de l’Éducation nationale qui sera nommé en mai ?

D’abord rendre facultatives la réforme des rythmes scolaires et la réforme du collège. Il ne faut pas l’abroger, il faut la rendre facultative, pour obliger les établissements à réfléchir sur leur pédagogie et à défendre leur choix auprès des parents. Ce sera un apprentissage de la liberté.

Ensuite, établir un crédit d’impôt pour les parents qui souhaitent inscrire leurs enfants dans des écoles indépendantes ou les enseigner à domicile. C’est simple à mettre en œuvre et cela permettra de briser le cycle de la défiance et de rétablir un cycle de confiance.

La liberté scolaire est une urgence démocratique.

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