Quand l’école en France fonctionnait bien

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jeudi 10 septembre 2015

Au XVIIe siècle, la France connaît une révolution pédagogique qui voit l’émergence de la création d’écoles pour les plus pauvres et l’accroissement de l’alphabétisation des populations. Cette révolution est menée par un jeune homme de Reims, Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719), qui a transformé la vision de l’école dans le royaume. Il sera canonisé en 1900. En 1680, il fonde la congrégation des Frères des écoles chrétiennes, dont la tache exclusive est de former des maîtres et de fournir une instruction de base aux populations les plus démunies. Un partage de fait s’opère alors dans l’instruction : aux jésuites la formation des élites et des jeunes adultes, par l’intermédiaire de leurs collèges, aux lassaliens l’instruction des enfants pauvres, grâce au très dense réseau d’écoles qu’ils arrivent à constituer.

La méthode de La Salle est révolutionnaire à plusieurs titres. Tout d’abord, il fonde une école pour les maîtres, afin de compléter leurs savoirs académiques et pour développer chez eux les bases de la pédagogie. Cette idée fut reprise dans les écoles normales. Ensuite, et c’est la grande nouveauté, l’instruction est gratuite pour les enfants. Les charges de l’école et du maître sont supportées par les communes et par les dons effectués à la congrégation. Cette gratuité permet d’ouvrir l’instruction aux plus pauvres.

Une pédagogie innovante. La Salle innove aussi dans le domaine de la pédagogie. Le maître ne s’occupe plus d’un ou deux élèves, mais de toute une classe, qui compte bien souvent une soixantaine d’enfants. Les élèves sont répartis par niveau, et non plus par âge, ce qui permet d’adapter la pédagogie. C’est à lui aussi que l’on doit l’invention du tableau noir : jusqu’alors la classe se faisant sans tableau. Autre révolution, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture se fait d’abord en français, puis les élèves apprennent le latin. C’est une vision moderne, car, jusqu’alors, les élèves apprenaient d’abord le latin, puis le français. Comme cet enseignement est destiné aux plus humbles, cela enracine le français dans les campagnes, permettant à ces populations de connaître la langue de la ville et des élites, et non plus seulement leur patois, ce qui favorise l’unification linguistique et sociale du pays. Enfin, il a inventé les écoles du soir et du dimanche, pour permettre aux artisans et aux travailleurs de s’instruire, une fois leur journée de travail terminée.

Au XVIIIe siècle, de nouvelles innovations pédagogiques sont opérées. Dans le sillage des Lumières, les lassaliens introduisent des disciplines modernes : géographie, histoire, sciences naturelles, étude des langues étrangères. L’essor de la congrégation se poursuit, en France et à l’étranger. La Révolution marque un coup d’arrêt, avec la saisie des biens et l’expulsion des frères, mais ceux-ci peuvent reprendre leurs activités au début du XIXe siècle. Ils le font jusqu’en 1904, où l’ensemble des congrégations enseignantes sont expulsées de France, laissant vide les écoles des villages. Ils ne pourront revenir que dans les années 1920. Aujourd’hui, le réseau lassalien est celui qui compte le plus d’écoles privées en France, avec presque 300 établissements primaires et secondaires, et plus de 10000 enseignants. C’est pour l’ensemble de son œuvre que saint Jean-Baptiste de La Salle fut proclamé patron des éducateurs. Et même l’école laïque a copié sa méthode.

Chronique parue dans l’Opinion

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