Nouveaux programmes du collège : là n’est pas le problème

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mercredi 29 avril 2015

Programmes scolaires : le problème n’est pas là

Le scénario est bien rodé, et tellement connu qu’il en devient presque lassant. À chaque publication de nouveaux programmes, c’est le même couplet qui est joué : ceux-ci sont de plus en plus vides, de plus en plus creux, et les élèves apprennent de moins en moins. Tout cela est vrai. Mais outre que cela a l’avantage de montrer qu’en matière d’Éducation nationale on peut toujours faire pire et que, finalement, c’était mieux avant, le problème n’est pas dans le contenu des programmes scolaires, que dans ceux qui les appliquent, à savoir les professeurs.

L’Éducation nationale est confrontée à un mouvement inédit depuis quelques années, et qui va croissant, à savoir d’une part qu’il y a de moins en moins de candidats aux concours de recrutement, et d’autre part, que la qualité intellectuelle des professeurs recrutés diminue. Dans la quasi-totalité des matières, il y a moins de candidats aux concours que de postes à pourvoir. Cela veut dire que même s’il y avait 100% d’admis, de nombreuses classes se trouveraient sans professeur. Et comme les correcteurs se doivent, malgré tout, de sélectionner un peu, le déficit de professeurs est de plus en plus grand. À cela s’ajoute le fait qu’arrivent dans la carrière des jeunes professeurs qui ont été lycéens dans les années 2000. Ils sont la première génération à avoir connu des programmes sabrés. Ce déficit de formation, pour la plupart, n’a pas été comblé à l’université. Ces professeurs ont donc des lacunes graves dans leur matière respective, et il leur sera difficile de transmettre ce qu’eux-mêmes n’ont pas appris. Pour prendre le cas de l’histoire, si la période byzantine est prévue comme facultative au collège à partir de 2016, c’est que la plupart des jeunes professeurs d’histoire n’ont jamais étudié cette période, ni au collège ni dans le supérieur. Comment alors pourront-ils l’enseigner à leurs élèves ? On pourrait en dire de même de la littérature, des sciences (mathématiques et physique), des langues étrangères. La moyenne du CAPES de sciences de la vie et de la terre est régulièrement inférieure à 8 sur 20 parmi les admis. Dans les sciences humaines, on se retrouve avec des professeurs qui lisent peu ou pas du tout, et qui, souvent, ne maîtrisent pas l’exercice de la dissertation, car cela ne leur fut pas demandé au lycée. Disant cela, nous n’oublions pas qu’il existe de jeunes professeurs bien formés et très grands connaisseurs de leur discipline, mais ils sont l’exception.

Transformer les professeurs en fonctionnaires

Le plus grave est que le système de l’Éducation nationale vise à éradiquer les professeurs pour les transformer en fonctionnaires zélés, soucieux uniquement d’appliquer les textes officiels. Beaucoup râlent sur les nouveaux programmes, de plus en plus creux et vides. Ils râlent parce qu’on leur impose l’idéologie pédagogiste, mais pourquoi l’appliquent-ils ? Ils renient eux-mêmes leur liberté pédagogique, oubliant qu’ils sont les principaux maîtres dans leur classe, libres d’appliquer les programmes et d’étudier ce qui leur semble utile pour les élèves. Fidèles à la servitude volontaire si bien décrite par Étienne de La Boëtie, ils s’asservissent eux-mêmes. En s’attaquant aux maîtres pour les transformer en fonctionnaires, l’État cherche à s’assurer le contrôle de la transmission des savoirs et de la formation des intelligences, afin d’éliminer toute tête pensante et raisonnante. C’est bien le problème des hommes, des encadrants, qui est véritable, plus que celui des contenus que l’on demande de promouvoir.

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