Noël et les arts de la table

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jeudi 22 décembre 2011

Noël et les arts de la table

Si la fête de Noël est celle de la famille, c’est aussi la fête de l’art. Renouveau des chœurs et des chorales chantant le répertoire classique, beauté des villes et des églises parées de leurs atours de lumière, Noël fait vibrer la corde artistique des personnes. Il est un autre art où Noël excelle, c’est celui de la gastronomie. Et comme la gastronomie française a été récemment inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, il peut être nécessaire d’étudier d’où elle tire son origine. La gastronomie est une passion française , et cette passion s’enracine dans l’apport de l’Eglise. Nombreux sont les plats et les boissons qui sont nés dans des monastères et ont été diffusés par des évêques ou des abbés.

Les monastères sont d’abord des centres de création et de diffusion des savoirs. Ce sont les moines qui ont conservé, reproduit et diffusé les grands textes de l’Antiquité grecque et romaine. Parmi eux se trouvent les livres des philosophes, des savants, des écrivains, mais aussi les livres de gastronomie et ceux des cuisiniers, comme Apicius ou Coulemelle. Les Bénédictins se font une joie de conserver ces textes dans leur scriptorium, et ils les étudient avec la même passion que les textes sacrés.

Les monastères sont également des pôles économiques de premier plan. Les moines ont pratiqué un grand travail d’essartage, de défrichage et d’assèchement des marais, transformant des sols incultes en terres fertiles. La pratique de l’élevage leur apportait du lait en grande quantité. Reprenant les coutumes romaines, ils ont compris que la transformation en fromage de leur lait était un moyen de conserver le produit sur plusieurs mois, et aussi de le revendre plus cher. De cette pratique sont nés le münster -qui signifie monastère en allemand-, le saint nectaire –qui porte le nom de l’évangélisateur de l’Auvergne-, ainsi que les fromages d’abondance en Savoie, cette liste n’étant pas exhaustive.

Parmi les nombreuses coutumes de Noël figure la consommation de l’oie, autrefois consommé en grande quantité à la Saint-Michel et à la Saint-Nicolas. Cette tradition est surtout implantée dans l’Est de la France et en Alsace, où est né le foie gras d’oie avant de se diffuser dans le Sud-Ouest. L’oie est un animal que l’on retrouve dans de nombreux mythes en Egypte et à Rome. C’est aussi un des symboles de saint Nicolas, dont le chariot était tiré par des oies, avant que le Père Noël ne remplace l’évêque de Smyrne, et les rênes volants les oies cendrées. Sur nos tables l’oie a été remplacée par la dinde au cours du XIXe siècle, notamment parce que ce dernier oiseau, venu des Amériques, étant plus gros, il offre davantage à manger aux convives.

La bûche de Noël, élément essentiel de nos desserts, est-elle aussi liée aux fêtes religieuses. Pendant longtemps la bûche fut une véritable bûche de bois, qui était bénie par l’aïeul de la maison, et qui devait brûler dans la cheminé toute la nuit de Noël, symbolisant ainsi l’attente du Messie. Ce n’est qu’au XIXe siècle, en 1879, que le gâteau a remplacé le bois. Un pâtissier parisien, Antoine Charadot, eut l’idée de fabriquer un gâteau en forme de bûche, et de le vendre aux ruraux émigrés dans la capitale qui n’avaient plus la possibilité de pratiquer leur coutume. Le succès fut tel que cette génoise roulée, fourrée de crème au beurre et de chocolat, est devenu le dessert de Noël.

Pour rester dans les desserts, comment ne pas évoquer la très belle tradition provençale des treize desserts ? Il faut relire les pages de Marcel Pagnol et d’Alphonse Daudet qui évoquent cette coutume vivante de la Provence. Les treize desserts figurent le Christ et ses douze apôtres, et ce plat annonce le dernier repas du Seigneur. La composition des desserts varie selon les familles et les régions de Provence, mais il y a des éléments fixes, notamment la fouace, qui est tressée en couronne, symbolisant ainsi la couronne du Christ, les nougats, la confiture d’orange, les écorces de fruits confits, dont le cédrat, et les fruits secs. Elément incontournable des treize desserts la présence des quatre mendiants : les figues sèches, qui représentent l’ordre franciscain, les abricots secs, pour les augustins, les noix, pour les capucins, et les raisins secs, pour les dominicains. Ce dessert est servi sur une table ornée de trois nappes blanches, chaque nappe représentant une personne de la Trinité.

Un bon repas ne peut être accompagné que de bons vins, et en matière de vin et d’Eglise l’histoire est aussi riche qu’ancienne. Bien sûr l’on pourra, au champagne, penser au rôle déterminant des abbés dom Pérignon et dom Ruinart, cellérier de l’abbaye d’Hautvillers, mais il n’y a pas que cela. Ceux qui se délecteront d’un riesling, notamment avec leur foie gras, pourront remercier les moines de l’abbaye d’Eberbach, en Allemagne, qui ont sélectionné et amélioré ce cépage au cours du XVIIe siècle. S’ils préfèrent boire un vendange tardive, avec le même foie gras ou avec le dessert, alors ils pourront se transporter dans l’abbaye de Fulda, voisine d’Eberbach, où la méthode des vendanges tardives et de la maîtrise de la pourriture noble fut découverte en 1775.
Si vous aimez le bourgogne, comment ne pas rendre hommage aux moines de Cîteaux, qui ont créé le Clos Vougeot, et a qui l’on doit les plus grands crus de Bourgogne ? C’est eux aussi qui ont amélioré les techniques viticoles en perfectionnant les pressoirs et le travail du chai.
Si vous préférez le bordeaux, vous ne pourrez que rendre grâce à l’ermite Emilion, dont le monastère fondé par ses soins et développé par ses disciples, est à l’origine des grands crus de Saint-Emilion. Quant à la rive gauche du Bordeaux c’est l’évêché de la cité qui a contribué à son développement.

Enfin, après le foie gras, l’oie et les treize desserts, vous pourrez terminer votre repas par la bûche, dont le chocolat se marie fort bien avec un porto d’une vingtaine d’année. Porto, dont le vignoble de terrasses bâties le long du fleuve Douro, est lui-aussi de création monastique.

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