Naissance de la tropézienne

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mercredi 10 juillet 2013

La tropézienne

O tempora, o mores ! Brigitte Bardot a vieilli, elle n’est plus, depuis longtemps, l’idole pin-up des années 60. Même ses films ne passent plus à la télévision. À cause de François Hollande et de sa loi pour le mariage pour tous, toute la nouvelle génération n’a d’yeux que pour la nouvelle idole qui a détourné le nom de l’actrice fétiche de la Nouvelle vague. Il ne reste de Brigitte Bardot que l’essentiel : Saint-Tropez et la tropézienne.

Le village de Saint-Tropez a toujours son charme, à condition de ne pas y aller en été. Rien de plus délicieux que de prendre un café au Sénéquier, l’hiver, quand il ne fait pas moins de 16°, en pensant à là-bas, au nord, où la température ne dépasse pas les 5°. Marcher dans ses ruelles vides, aller jusqu’à la forteresse, ouverte toute l’année, qui rappelle que des combats ont eu lieu ici. Longtemps, la mer fut autre chose qu’une plage à touriste et une zone de vacances. Longtemps, la mer fut l’horizon d’où venait l’ennemi, qui a laissé sa trace dans le massif des Maures et dans le drapeau corse. L’hiver, les platanes n’ont plus de feuilles, mais on peut quand même jouer à la pétanque. L’hiver, on peut circuler dans les rues de la ville, et les vrais Tropéziens sont là. L’hiver, quand il fait plus froid, ou moins chaud, c’est selon, on est plus à même de déguster la tropézienne.

La tropézienne est une l’attraction gastronomique de la ville. La tarte fut créée en 1955 par le cuisinier Alexandre Mika, qui est d’origine polonaise. C’est en 1955 que Roger Vadim tourna son film Et Dieu créa la femme, dont l’action et le tournage se passent à Saint-Tropez. Les producteurs du film demandèrent à Alexandre Mika de préparer les repas pour l’équipe du tournage. Celui-ci prépara un gâteau qui plut beaucoup à Brigitte Bardot, si bien qu’il en fit un des emblèmes de sa boutique. Par la suite, il fut copié par d’autres pâtissiers. C’est une brioche parfumée à l’eau de fleur d’oranger, coupée en deux, et garnie en son centre d’un mélange de trois crèmes. Puis elle est parsemée de sucre cristal. Mika lui donna le nom de sa ville : la tropézienne était née. Or ce gâteau est inspiré d’une tradition polonaise. La crème notamment est davantage d’Europe de l’Est que de Méditerranée.

Voilà comment notre Saint-Tropez a pu conquérir les tables du monde. Tropez a véritablement existé. Ce serait un officier de Néron, converti au christianisme par Saint Paul et martyrisé par l’empereur en 68. Son vrai nom est Torpès et il serait né à Pise. Néron l’aurait fait décapiter et aurait jeté son corps à la mer, qui serait venue s’échouer sur les rivages provençaux. La tête de Torpès est encore visible à Pise. Reconnaissons que la brioche savoureuse et la crème onctueuse sont plus agréables à deviser que les histoires sanguinolentes des premiers chrétiens, et les turpitudes de l’ère néronienne. O tempora, o mores ! Notre siècle est tout de même plus doux et plus civilisé.

Article publié dans la revue Tak.

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