Maturité et croissance des personnes

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samedi 1er décembre 2012

Maturité et croissance des personnes

L’article sur la maturité est le plus visité du site, et ce depuis sa mise en ligne, preuve que le sujet intéresse et interroge. Bien que publié il y a presque deux ans, en décembre 2010, je n’ai pas à changer ce que j’avais alors écrit. En revanche, et puisque le sujet intéresse, je propose de nouvelles réflexions et suggestions à propos de la maturité. Ces réflexions ne se prétendent pas dogmatiques, beaucoup peut être dit sur ce sujet, et peut-être mieux que ce que je dis. Ces réflexions se fondent sur mon expérience de professeur et de directeur de lycée. Et comme je travaille dans un établissement de garçons, je parlerai exclusivement des garçons, puisque c’est le genre que je connais le mieux. Les filles ont leur propre spécificité. Notamment, de par des facteurs biologiques évidents, elles mûrissent plus tôt, puisqu’elles entrent plus tôt dans leur période de puberté. Toutefois, les réflexions faites ici pour les garçons peuvent sûrement s’appliquer, au moins partiellement, pour les filles.

1/ Il y a tout d’abord une immaturité biologique des garçons. Les récentes recherches sur les cerveaux des garçons et des filles, réalisées grâce à des IRM, ont montré que les lobes préfrontaux étaient complètement développés chez les filles vers l’âge de 16 ans, contre 23-25 ans chez les garçons, soit un écart de 9 ans. Or, ces lobes préfrontaux, donc situés à l’avant du cerveau, sont ceux qui permettent de maîtriser la notion de risque, de faire prendre conscience de ses gestes, de mesurer les conséquences à long terme d’actes ou de propos. C’est pourquoi les garçons sont souvent plus casse-cou, prennent plus de risque, semblent moins réfléchir, et donc paraissent immatures, surtout quand on les compare aux filles. Il y a donc bien ici une immaturité biologique, que seul le temps peut combler.
Mais, comme à chaque fois, ce facteur biologique peut être corrigé ou amplifié par les données culturelles, et notamment par l’éducation.

2/ Pour grandir, l’homme a besoin d’exemples. Toute croissance, toute construction sont mimétiques. On se bâtit contre quelqu’un, c’est-à-dire en s’appuyant sur lui, comme l’échelle est contre le mur, ou en le rejetant. Tout garçon a besoin de modèle, qui soit réel, palpable, imitable. D’où le culte des héros et des saints.
Chez les garçons, le premier modèle est le père. D’où le drame des enfants de divorcés qui ne vivent pas avec leur père. Le voir le week-end, ou pendant les vacances, ne suffit pas. Le père doit être présent.
Les pères de famille doivent aussi veiller à être accessibles pour leurs enfants. Beaucoup, travaillant dur et tard, arrivent fatiguer à la maison, et ont ainsi peu de temps à consacrer à leurs enfants. Il faut néanmoins prendre le temps. Il faut veiller aussi à être habillé correctement. Les pères et mères de famille s’habillent souvent bien pour le travail, et revêtent une tenue plus négligée le soir. On peut comprendre qu’ils aient besoin de se détendre, mais cela signifie que leurs enfants, et leur conjoint les voient toujours ainsi, en tenue négligée. Les pères doivent veiller à rester en costume, pour que leurs enfants les voient ainsi : la seule image qu’ils ont de leur père est celle qu’il présente à la maison.
Il faut aussi parler de son travail, de ce que l’on y fait. Et veiller à le montrer sous un jour positif, même s’il est difficile et compliqué. Il ne faut pas hésiter à faire visiter son bureau à ses enfants. Si les parents parlent toujours de façon négative de leur travail, les enfants le verront, à raison, comme quelque chose de négatif. Ainsi, lorsqu’il faudra dire aux enfants de travailler, de faire ses devoirs, pour avoir ensuite un travail, la parole parentale n’en sera qu’affaiblie. Certains problèmes ne doivent pas être traités devant les enfants. Les disputes et les désaccords ne doivent pas non plus s’afficher en public, même si cela est dur.

Parmi les autres modèles, il y a des membres de la famille : un oncle, un cousin, un ami familial. Il y a aussi le professeur ou l’entraîneur sportif. Rappelons que ces personnes sont les continuatrices de l’éducation donnée à la maison. Elles ne sont pas là pour se substituer aux parents, mais pour continuer l’éducation.

3/ Les enfants doivent vouloir grandir. On ne devient mature que si l’on veut le devenir. À un moment de sa vie, l’enfance doit être vue comme un fardeau, un lieu où l’on ne veut plus être, un monde que l’on ne veut plus habiter. Il faut vouloir sortir de l’enfance, pour entrer dans le monde adulte. Ce doit être une décision de l’enfant qui veut devenir homme. Le syndrome de Peter Pan est réel : celui de rester éternellement dans l’enfance. Mais le Peter Pan de la nouvelle de Barrie n’est pas celui du film de Disney : c’est un garçon dur, sans cœur, sans amour, face auquel James Barrie est peu solidaire.
Pour vouloir entrer dans la vie adulte, encore faut-il la voir comme un monde merveilleux. Il faut vouloir étudier, travailler, avoir des responsabilités. Les parents doivent donc veiller à ne pas cultiver le culte de l’enfance, et à présenter la vie adulte comme quelque chose de positif.

4/ Cela nous amène à réfléchir à la notion d’adolescence. L’âge de l’adolescence n’existe pas, c’est une invention moderne des sociologues actuels, notamment pour des raisons commerciales. C’est bien le problème du garçon : entre 12 et 17 ans il ne sait pas trop ce qu’il est. Il n’est plus un enfant, mais on lui dénie encore le fait d’être un adulte. Alors il n’est personne. Il est sans identité propre, parce qu’il n’est pas encore un homme. Il faut aider le garçon à se construire cette identité, à lui expliquer qu’il est un jeune homme, et que bientôt il sera un homme accompli.
Il faut donc aider le garçon à se former une identité, une personnalité. Pour cela, il faut l’aider à sortir du virtuel, et les jeux électroniques sont à ce titre une plaie, pour entrer dans le monde réel. Mais encore une fois, il faut montrer la beauté de ce monde réel. Une beauté faite de défis, de combats à mener. Il faut donner le goût de l’aventure, et le goût de sortir de sa confortable chambre.

5/ Comment aider le jeune garçon à devenir un homme ? En créant des rites initiatiques. Le garçon, plus que la fille, a besoin de tels rites. Le malheur de notre société, c’est que ces rites ont disparu. Le bac en est un, même affaibli. L’entrée dans les études supérieures en est un. Mais cela ne vient qu’à 18 ans, soit trop tard.
Dans la religion chrétienne, il y a la profession de foi, vers 12 ans, puis la confirmation, vers 13 ans. Ce sont des rites initiatiques fondamentaux, aussi bien spirituels qu’humains.

Quelques exemples : dans mon établissement le code vestimentaire est différent au collège et au lycée. Au lycée, les élèves portent, certains jours, un costume. Cela fait partie des rites initiatiques : ils quittent le pull d’uniforme du collège, pour revêtir une veste et une cravate choisies par eux. Ainsi, ils comprennent qu’ils deviennent plus homme.
Autre exemple : la remise des prix de fin d’année. La fin de l’année scolaire est ainsi clairement marquée.

Dans le scoutisme il y a aussi de nombreux rites initiatiques, et cela est très bon.

En famille c’est, généralement, l’achat du premier costume. Que le père aille avec son fils chez un tailleur pour lui acheter un costume, vers 16-17 ans. C’est très formateur. Il y a l’achat du rasoir, autre passage initiatique.
Dans les familles, normalement, vient l’âge où l’on peut passer à la table des grands, des adultes. D’où l’importance de bien faire une table des enfants.

6/ Pour faire grandir les garçons, il faut aussi leur confier des responsabilités. Il faut leur faire confiance, en prenant le risque qu’ils se trompent ou qu’ils fassent mal. Mais on apprend tellement de ses erreurs. Faire confiance est la plus grande marque d’affection que l’on peut avoir pour un enfant. Leur confier la responsabilité d’un achat, de la garde d’un enfant, de la prise d’une décision. Leur montrer que l’on veut s’appuyer sur eux. Il faut les laisser marcher librement, quitte à ce qu’ils tombent.

7/ Le garçon, comme la fille, a besoin d’amis fidèles. On a généralement peu d’amis, j’entends de très bons amis : 3 ou 4, pas plus. Mais l’amitié est tellement importante. Et c’est la première porte vers l’amour.

8/ Enfin un dernier point, c’est que l’immature est rétif au changement, et cela se constate notamment chez les adultes. Cela peut sembler curieux, car la difficulté de changer est souvent associée à un comportement de vieux, quand l’immature est vu comme un jeune. Mais en réalité cela est logique. Un immature est ancré dans le présent, et surtout dans le passé, dans son monde imaginaire. Il a donc du mal à percevoir le monde réel, à se projeter dans l’avenir, et donc à accepter le futur et le changement. La difficulté à changer est ainsi souvent le signe d’une immaturité.

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