Les œufs en fête

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vendredi 3 avril 2020

Pâque n’est pas que la fête de l’agneau, mais aussi celle des œufs. Dans la symbolique chrétienne, l’œuf a été associé au tombeau et à la Résurrection : tel le poussin qui sort de sa prison, ou l’œuf qui se dévoile après avoir été écalé. D’où les coutumes pascales de décorer tables et maisons avec des œufs peints ou encore de faire la course aux œufs dans les jardins et les parcs. Les cuisiniers ont exercé leur imagination afin de créer des recettes à base d’œuf. Pourquoi ne pas prendre un classique, si délicat à réaliser : l’œuf mayonnaise ? Cela suppose de bien maîtriser la cuisson de l’œuf, dont le jaune doit être légèrement coulant en son centre, mais le blanc bien ferme. Quant à la mayonnaise, émulsion d’huile et de moutarde, sa fermeté doit être sans faille. Plat typique des bistrots, on le trouve encore sur les cartes ; et parfois ils sont bons.

Le raffinement peut monter d’un cran avec l’œuf mimosa, dont la présentation et les couleurs chatoyantes, blanc et or, éveillent déjà le palais. C’est une version plus sophistiquée de l’œuf mayo, même si les ingrédients sont les mêmes. Sur les rivages méditerranéens, il n’est pas rare d’introduire des herbes dans le jaune, voire des anchois pillés, produisant ainsi une farce plus délicate et plus complexe.

Le fin du fin s’exprime dans l’œuf meurette ; recette simple en apparence, mais qui requiert un doigté exquis pour bien en réaliser la sauce sur laquelle tout repose. Vin rouge de Bourgogne, lardons, oignons, échalotes, le tout fricassés dans du beurre. Dans cette sauce condensée et réduite où les arômes ont pu s’amplifier, l’œuf est poché puis servi sur du pain grillé aillé. Tout repose sur le délicat alignement des températures et des temps de cuisson. Deux écoles s’affrontent : ceux qui pochent l’œuf dans de l’eau bouillante et ceux qui le pochent dans la sauce meurette ; goûts et textures en ressortent différents. Paul Bocuse et Bernard Loiseau mirent l’œuf meurette à leur carte, typique d’une cuisine régionale de vin, de pain et d’œuf. En apparence, rien n’est plus simple que ce produit, en réalité il est délicat à cuisiner, car il suppose une maîtrise parfaite des températures et une grande qualité des produits de base. Entre un œuf pondu à la chaîne et un issu d’une vraie poule produit dans des conditions respectueuses, la taille, le goût, les saveurs diffèrent. L’œuf à la coque est l’archétype de la recette simple qui ne se paye pas de médiocrité. Outre l’œuf, gros et savoureux, il y faut de la baguette fraiche et parfumée et un beurre optimal. Alors sont réunis les ingrédients qui permettent de réussir l’association.

La question délicate est celle du choix du vin. Si le Bourgogne rouge s’impose avec les meurettes, les autres recettes sont beaucoup plus difficiles à marier. Trop doux, l’œuf est noyé, trop fruité, trop acide, il est cassé. Les vins d’Arbois, gras et tendus, font des alliances réussies ou bien des rouges légers : Gaillac, Saumur, Beaujolais. C’est finalement simple : des plats de bistrot avec des vins de bistrot.

Chronique publiée dans L’Incorrect

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