Les nouveaux enfants du siècle

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lundi 30 janvier 2017

Alexandre Devecchio, Les nouveaux enfants du siècle. Djihadistes, identitaires, réacs. Enquête sur une génération fracturée, Le Cerf, 2017

L’histoire procède par génération et celle qui a aujourd’hui vingt ans et sera au pouvoir dans vingt à trente ans est forgée et marquée par les événements des années 2010. Il y a eu la génération du feu, en 1918, celle de la Seconde Guerre mondiale, les baby-boomers et les soixante-huitards, la génération de la chute du Mur et des tours jumelles. Alexandre Devecchio enquête dans cet ouvrage sur la jeunesse née dans les années 1990, qui découvre aujourd’hui l’engagement politique et qui se forge par ses choix et ses combats.

Une jeunesse fracturée et divisée, bien qu’elle vive sur le même territoire et fut nourrie des mêmes références télévisuelles. D’un côté les djihadistes, ceux qui voient leur patrie quelque part entre la Syrie et l’Irak de l’État islamique et qui sont prêts à combattre contre une France qui l’a nourrie et formée. De l’autre, une jeunesse identitaire, qui se reconnaît dans Éric Zemmour ou le FN, parti qui capte de nombreuses voix des jeunes. Enfin, la jeunesse réactionnaire, qui a participé aux manifs pour tous et dont certains s’abreuvent à la pensée du néo-communiste Jean-Claude Michéa.

Le mérite de l’ouvrage est d’aborder chacune de ces catégories sans a priori, non pour les juger, mais pour les comprendre et pour décrypter leurs réseaux, leurs influences et leurs motivations. C’est une loupe, posée sur une partie de la France et qui permet à chacun de découvrir l’autre. Le livre est fouillé et cite de nombreuses références, de Dieudonné, Tariq Ramadan ou Soral, qui font salle comble et diffusent beaucoup sur les réseaux sociaux, en précisant leur message et en tentant d’en démontrer les buts.

Nous avons ici trois jeunesses, qui vivent côte à côte, mais qui ont des références culturelles et des buts politiques radicalement différents et chez qui aucune convergence n’est possible, comme l’a montré l’épisode malheureux des Veilleurs se rendant à Nuit Debout. Ce n’est plus le temps des réseaux trotskystes, de SOS Racisme et de l’Unef, ce sont d’autres réseaux qui se forment et se structurent, qui créent chez certains plus d’espérance et chez d’autres plus de violence. L’auteur n’occulte pas non plus les impasses et les contradictions de ces jeunesses. Il dresse un portrait juste d’une France fracturée, aussi bien sur le plan culturel qu’ethnique et religieux. Des fractures qu’il paraît impossible à surmonter et à combler et qui font craindre des affrontements violents dans les années à venir.

Le lot de toute jeunesse est d’être bouillonnante et ensuite de se fondre dans la normalité. Les trotskystes sont devenus les éléphants du Parti socialiste, les jeunes d’Occident les libéraux de l’UMP et même les têtes brûlées de l’OAS ont fini par rejoindre les rangs assagis d’un FN sénatorisé. En sera-t-il de même pour ces générations ? La crise djihadiste n’est-elle que la poussée d’urticaire d’une jeunesse qui se cherche ? Compte tenu de la violence des propos de ceux-ci, rien n’est moins sûr. Mais le pire non plus n’est jamais certain.

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