Les deux laïcités

Vous êtes ici : Accueil > Articles > Les deux laïcités

jeudi 7 juin 2018

La laïcité « à la française » est un produit qui s’exporte mal et qu’il est difficile d’expliquer en dehors de nos frontières. J’en ai encore eu la preuve la semaine dernière où j’étais convié à un colloque à Rome, au centre Saint-Louis, à l’initiative de l’institut Acton. Il ne fut pas facile d’expliquer ce concept aux Italiens et aux Américains qui peuplaient essentiellement ce colloque. L’apéritif alla francese qui a suivi fut beaucoup plus explicite.

Tentons une rétrospective. La laïcité telle que nous l’entendons aujourd’hui est définie par la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Une loi qui pourrait être bonne en soi, tant il est utile de distinguer les deux sphères particulières de ces deux réalités que sont l’Église et l’État. Frédéric Bastiat y était favorable et c’est aussi le combat de nombreux papes au tournant du XIe-XIIe siècle que d’arriver à détacher l’Église de la tutelle étatique. Mais cette loi n’est pas uniquement une séparation, mais surtout une absorption. Elle s’est en effet accompagnée de la nationalisation des biens des congrégations, des associations religieuses et des diocèses. D’un point de vue juridique, c’est un vol. Ce sont ainsi des milliers de bâtiments : églises, couvents, chapelles, écoles, séminaires, ainsi que des terres qui ont été spoliées par l’État et qui sont passées sous sa juridiction. C’est ainsi qu’un nombre important de mairies, de collèges et de lycées sont des anciens bâtiments ecclésiaux, volés en 1905-1906 et affectés à une destination publique. Il est fortement dommageable que notre laïcité soit fondée sur ce péché originel du vol foncier et du viol de la propriété privée.

Cette loi de 1905 trouve son origine dans un autre vol, celui de 1789, avec la nationalisation des biens clergés. La France était alors surendettée et en situation de faillite. Comme la noblesse refusait de réformer l’impôt, elle a trouvé un moyen beaucoup plus simple de régler la dette de l’État : prendre les biens de l’Église, les revendre, et ainsi s’enrichir par l’achat à bas prix de ces biens et également rembourser la dette. Cela donna lieu à la création d’une nouvelle monnaie, les assignats, qui furent un fiasco total avant de disparaître en 1796.

Or, avec ces biens, les associations religieuses assuraient le service de santé et d’éducation. L’État privant l’Église de ses bâtiments et de ses terres, ces services publics, mais gérés par le privé ne pouvaient plus fonctionner. L’État, grand prince, a assuré la relève. Voilà comment nait un embryon d’État providence. Puisque les prêtres n’avaient plus de revenus financiers, Napoléon décida de les rémunérer sur le trésor public (Concordat, 1801). C’était en faire des fonctionnaires et leur retirer toute liberté. Ce n’était pas réellement un cadeau : d’une part l’État se dédouanait des ressources financières qu’il avait prises à l’Église, d’autre part ces prêtres perdaient toute autonomie et indépendance.

Lire la suite.

Thème(s) associés :

Par Thèmes