Les Mérovingiens sont des Romains

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samedi 16 août 2014

Les Mérovingiens : Romains ou Germains ?

Dans l’imaginaire collectif, transmis par les manuels d’histoire et la pensée commune, l’Europe a connu, à partir du IIIe siècle, une série de grandes invasions, qui ont vu déferler des populations germaines sur son territoire, amenant ainsi à mélanger les populations. Cette pensée se révèle être fausse. Les grandes invasions sont un mythe, tout comme celui de l’origine barbare ou germaine des Mérovingiens. Dans son livre Des Gaulois aux Carolingiens, l’historien Bruno Dumézil fait le point sur l’état des connaissances actuelles et sur ce que l’on sait de cette période de dissolution et de transformation de l’Empire romain. Je reprends ici ses propres dires, en les synthétisant.

Le mythe des grandes invasions

La France de l’an 500
À partir des années 450 apparaissent en Gaule trois royaumes importants : le royaume des Burgondes, le royaume des Wisigoths, et le royaume des Francs. Les Wisigoths sont installés en Gaule depuis les années 418, ils contrôlent le sud de la Loire. Les Burgondes sont dans la région de Lyon. Les Francs sont implantés dans le nord de la Gaule.

Qui sont les Francs ?
Les textes d’époque nous disent que les rois francs et l’aristocratie parlent le latin, ainsi que le francique, mais que la langue des Francs est très peu diffusée. Quand on a recours à l’écrit, c’est en latin qu’on le fait, et non pas en francique. De même, la loi salique n’est pas d’origine germaine, mais romaine. Elle emprunte beaucoup au droit romain, notamment pour les peines et le partage des terres. Elle n’interdit pas la succession aux femmes, sauf pour les terres qui ont une vocation militaire. L’idée que la loi salique interdit aux femmes d’hériter est une invention du XIVe siècle, quand les légistes français se sont activés pour empêcher Édouard III, roi d’Angleterre, d’hériter du royaume de France par sa mère, qui était l’unique héritière du roi de France.

On constate que les Francs ont des noms germains (Childéric, Sigismer, Munderic …), mais cela ne révèle pas leur germanité. C’est en effet une mode des Ve-VIe siècle. Au IVe siècle, les Francs ont des noms romains. La francisque, qui est l’arme fétiche des Francs, ne se trouve pas dans les tombes avant le Ve siècle. C’est donc une arme plus récente que le peuple qui l’a fait sienne.
Qui sont alors les Francs ? Ce sont des Gallo-Romains, des paysans réfractaires à l’impôt, des déserteurs de l’Italie, bref des Romains et non pas des Barbares. En effet, il est défini à la fin du Ve siècle, que toute personne reconnue comme Franque bénéficierait d’une exonération de taxes. Or, face aux pressions extérieures et aux guerres, l’empire a considérablement relevé le taux de ses impôts. Se dire Francs est donc une excellente façon de trouver des niches fiscales.

Quant aux vêtements des Francs, il s’agit d’une mode vestimentaire lancée par Childéric à partir de 480. Les Gaulois ont ensuite imité cette mode vestimentaire.

« Le peuple franc est donc avant tout une construction politique assortie d’un léger à côté culturel, mais ne reposant sans doute que très peu sur une base ethnique. Cela n’empêcha pas le succès de ce modèle identitaire : au VIIe siècle, au nord de la Loire, il n’y avait plus de Romains ou de Gaulois, mais uniquement des Francs. Le terme de « Francie » commence alors à se multiplier pour désigner un espace donné. » (p. 74)

« Ce n’est pas parce que Clovis et les siens ont adopté une apparence archaïque et qu’ils ont choisi des noms germaniques, que ces rois-là étaient des Germains. Leur mode de gouvernance et leur culture politique provenaient moins d’outre-Rhin que de Rome ou de la Jérusalem biblique. Les cheveux longs des Mérovingiens n’étaient-ils pas eux-mêmes une imitation de la coiffure des rois de l’Ancien Testament ? » (p. 109).

Les Francs sont des alliés permanents de l’Empire. Lors de la bataille des Champs Catalauniques, ils se rangent derrière Rome contre les Huns. Ce sont des fédérés de Rome.

Le partage de l’empire

À la mort du roi, ses terres sont divisées entre ses fils. Mais ce partage mérovingien pose plusieurs questions. Le roi ne reçoit pas une portion cohérente du territoire, mais des villes et des places fortes. Le roi reçoit une région capitale très riche, et une frontière à défendre. Ce n’est donc pas tant une division de l’empire, qu’un partage des responsabilités : comme le territoire est vaste, chaque fils reçoit une portion à défendre, exactement comme ce que les Romains font depuis le IVe siècle. C’est aussi une méthode pour accroître le territoire : chaque roi reçoit une terre à défendre, mais aussi une terre à étendre. Le partage mérovingien est donc bien différent du partage carolingien, notamment avec le traité de Verdun de 843.

« L’objectif constant des Mérovingiens est d’imiter l’Empire romain, lequel continue d’exister, même s’il n’est plus à Rome depuis 476, mais à Byzance. On sait que dans les années 580, le roi de Neustrie, Chilpéric, donne des jeux du cirque dans la grande tradition romaine et qu’il rédige de la poésie latine, comme le faisaient autrefois les empereurs. Quant à la première église fondée par la dynastie mérovingienne, située à Paris sur la montagne Sainte-Geneviève, elle s’appelle les Saints-Apôtres. Or, le choix de cette dédicace n’est pas neutre. Si Clovis a choisi de désigner ainsi la première église qu’il a fondée et qui devait abriter sa tombe, c’est sans doute parce que les Saints-Apôtres sont le nom de la nécropole dynastique fondée par Constantin à Constantinople. » (p. 87)

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